Depuis la remise au président de la République d’un rapport sur les causes de l’infertilité en février 2022, « quelques avancées » sont à saluer mais beaucoup reste à faire pour répondre à l’urgence, alors que l’infertilité affecte 3,3 millions de personnes en France, interpelle le Pr Samir Hamamah, chef du service de biologie de la reproduction au CHU de Montpellier et président de la Fédération française d’étude de la reproduction.
Coauteur du rapport, il s’alarme du retard que la France accumule en la matière alors que d’autres pays, notamment en Asie, multiplient les mesures pour enrayer une tendance globale qui voit reculer la fertilité de 0,3 à 0,4 % chaque année « partout dans le monde », « même en Afrique », insiste le Pr Hamamah. L’enjeu est de « préserver l’espèce humaine de sa disparition », a-t-il averti lors d’une conférence de presse organisée par le laboratoire Merck, ce 1er octobre.
Parmi les avancées, le spécialiste de la reproduction relève les « 30 millions d’euros mis sur la table par le gouvernement pour soutenir la recherche et l’innovation ». Alors que la Belgique, par exemple, a déjà investi 18 millions d’euros dans la lutte contre l’infertilité, la France ne finançait le secteur qu’à hauteur de huit millions, met-il en perspective. Grâce à cette dotation, deux consortiums sont en cours de création, avec un programme sur cinq ans.
Des mesures en cours d’évaluation par la HAS
Deux propositions issues du rapport de 2022 sont par ailleurs entre les mains de la Haute Autorité de santé (HAS) pour une évaluation de leur coût : l’instauration d’une consultation longue de 45 minutes à partir de 29 ans (et non 20 ans, comme indiqué par Emmanuel Macron en mai dernier) et la création d’une consultation préconceptuelle. Cette dernière doit permettre, « 100 jours avant » une grossesse, de dresser un bilan des facteurs de risque et des expositions professionnelles, mais aussi d’« informer et éduquer » sans « moraliser ou culpabiliser ».
Près de 4 % des naissances en France sont le fruit d’une aide médicale à la procréation
D’autres mesures tirées du rapport sont en revanche au point mort. C’est le cas de la proposition de création d’une structure nationale sur la fertilité et la natalité, à l’instar de l’Institut national du cancer (Inca), « un exemple de réussite » pour lutter contre les importantes inégalités territoriales, estime le Pr Hamamah.
Un effort est aussi à mener pour augmenter les réussites de l’assistance médicale à la reproduction (AMP). C’est là « le rôle des spécialistes », tranche le Pr Hamamah. En France, où différentes techniques sont déployées, 3,9 % des naissances sont le fruit d’une AMP. Ce taux atteint 16 % au Japon, note l’expert, soulignant ainsi une marge de progression importante.
Il importe également de se pencher sur les causes de l’infertilité, surtout lorsqu’elle est volontaire. À côté du recul de l’âge moyen du désir d’enfant, des questions plus pragmatiques, comme la disponibilité de places en crèche, peuvent jouer. Des « mesures ciblées » peuvent être efficaces, plaide la Dr Joëlle Belaisch-Allart, présidente du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF), qui déplore une triple crise « de la fertilité, de la fécondité et de la natalité ». Des « mesures simples » de soutien à la parentalité ou des « incitations fiscales » peuvent suffire, appuie le Pr Hamamah.
Face à l’infertilité involontaire, le recours aux traitements est en hausse, de 24 % entre 2008 et 2017, poursuit la Dr Belaisch-Allart. La gynécologue souligne le manque de connaissances de la population sur la baisse de la fertilité avec l’âge chez les femmes, mais aussi chez les hommes. Si l’autoconservation ovocytaire apparaît comme un « remède partiel », elle ne peut se substituer à une prise de conscience des bénéfices d’un parcours précoce. Le CNGOF recommande ainsi une prise en charge après 12 mois d’infertilité (rapports non protégés sans grossesse) chez les femmes de moins de 35 ans et dès six mois chez les plus de 35 ans. Il existe une « croyance excessive dans les performances de l’AMP », complète le Pr Hamamah, alors que 30 % des couples quittent le circuit sans succès.
Le DPI-A, un outil attendu pour améliorer l’AMP
La lutte contre l’infertilité souffre également de certains blocages, notamment sur le diagnostic préimplantatoire des aneuploïdies (DPI-A), ajoute Marie-Joëlle Gros, du collectif Bamp (association de patients de l’AMP et de personnes infertiles). La technique, qui n’a pas été autorisée, comme espérée, par la loi de bioéthique de 2021, n’améliore pas les résultats mais permet d’éviter de congeler et d’implanter des embryons « mal fichus », explique le Pr Hamamah.
Après la « formule regrettable » du président de la République sur « le réarmement démographique », Marie-Joëlle Gros « attendait beaucoup » mais les engagements concrets tardent à venir, regrette-t-elle. Le travail est « inachevé », tacle le Pr Hamamah, qui réclame désormais « des actes ».
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