Plus de 50 % des femmes enceintes présentent des nausées et vomissements, généralement peu intenses, au premier trimestre de la grossesse. Mais, chez environ un tiers d’entre elles, les symptômes sont plus sévères, affectant fortement la qualité de vie, jusqu’à nécessiter, dans 0,3 % à 3,6 % des cas, une hospitalisation. « Les nausées et vomissements sont tellement fréquents qu’ils sont souvent banalisés ; il est donc très important de bien repérer leur niveau de sévérité, d’évaluer les symptômes et d’écouter les plaintes des femmes », souligne le Pr Philippe Deruelle (CHRU de Strasbourg) qui a dirigé le groupe de travail consacré à ce sujet (1).
Quel bilan réaliser ?
L’évaluation de la sévérité des manifestations repose sur trois critères cliniques : la perte de poids rapportée au poids avant la grossesse, la recherche de signes cliniques de déshydratation, et le score de Puqe* modifié, qui repose sur les symptômes des cinq jours précédents.
Les nausées et vomissements gravidiques sont considérés comme étant non compliqués lorsque la perte de poids est inférieure à 5 %, sans signes cliniques de déshydratation, avec un score Puqe ≤ 6. À l’inverse, on parle d’hyperémèse gravidique lorsque les nausées et vomissements sont associés à au moins un des signes suivants : perte de poids ≥ 5 %, signes cliniques de déshydratation, score Puqe ≥ 7.
Un bilan biologique doit être alors prescrit, avec un dosage de la kaliémie, de la natrémie, de la créatininémie et une bandelette urinaire.
En cas de persistance et/ou d’aggravation des symptômes après un traitement bien conduit, un bilan complémentaire est proposé avec la réalisation d’une échographie abdominale et un bilan biologique (numération leucocytaire, transaminases, lipase, CRP, TSH, T4), à la recherche d’un diagnostic différentiel.
Les formes les plus sévères (perte de poids ≥ 10 %, déshydratation, score de Puqe ≥ 13, hypokaliémie < 3 mmol/L, hyponatrémie < 120mmol/l, créatininémie > 100 µmol/l, résistance au traitement) seront hospitalisées. Dans les formes modérées, la réhydratation pourra être faite à domicile.
Choisir les anti-émétiques les mieux tolérés
Il est proposé que les médicaments ou associations ayant les effets secondaires les moins sévères et les moins fréquents soient choisis, compte tenu de l’absence de supériorité démontrée d’une classe sur une autre.
En première intention, dans des nausées et vomissements gravidiques non compliqués ou face à une hyperémèse gravidique sans signe de gravité, on commence par la doxylamine ou l’association doxylamine-pyridoxine, ou par le métoclopramide. Si ces options ne conviennent pas, on peut prescrire l’ondansétron, des neuroleptiques et phénothiazines et, en dernier recours, des corticoïdes.
Pour prévenir l’encéphalopathie de Gayet Wernicke, la vitamine B1 doit être systématiquement administrée en cas d’hyperémèse gravidique nécessitant une réhydratation parentérale. Il est conseillé d’arrêter les supplémentations en vitamines et en fer et de privilégier la supplémentation en acide folique seule.
« Enfin, un soutien psychologique doit être proposé à toutes les patientes atteintes d’hyperémèse gravidique : des études ont montré que 15 % de ces femmes avaient pensé au suicide et 50 % avaient envisagé une interruption volontaire de grossesse », souligne le Pr Deruelle.
Il ne faut pas hésiter à les orienter également vers des associations de patientes qui s’investissent dans l’accompagnement, telles que l’Association de lutte contre l’hyperémèse gravidique et « 9 mois avec ma bassine », présentes sur les réseaux sociaux.
Exergue : « Il faut écouter les plaintes des femmes et évaluer leur sévérité »
Entretien avec le Pr Philippe Deruelle (CHRU de Strasbourg) *Pregnancy unique quantification of emesis and nausea (1) Deruelle P et al. Gynecol Obstet Fertil Senol. 2022;S2468-7189(22)00261-6
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