Avec 61 214 nouveaux cas de cancer du sein en 2023, survenus en médiane à 64 ans, la question de la place de l’auto-examen des seins (AES) se pose. Une proposition du groupe Femmes de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe avait statué sur le fait qu’il n’existe aucune preuve que l’AES réduise la mortalité par cancer du sein, et le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) a émis des recommandations en se fondant sur la littérature internationale.
Des essais randomisés contrôlés ont démontré que l’AES accroissait surtout la probabilité de biopsie mammaire ne montrant pas de signe de cancer. Avec donc des inconvénients tels qu’une majoration de l’anxiété, la découverte d’anomalies bénignes conduisant à des excès de consultations médicales pour réassurance, sans compter le retard au diagnostic d’un cancer en raison d’une qualité non optimale de la réalisation de l’AES.
Chez les moins de 75 ans
— Chez les femmes qui ne participent pas à un programme de dépistage individuel organisé. Plusieurs vastes essais vont dans le même sens : une étude thaïlandaise de 2019, sur près de deux millions de femmes, une étude contrôlée en Chine (2002) sur plus de 260 000 femmes, et une étude russe (1992) sur plus de 120 000 femmes, démontrent que la pratique de l’AES n’augmente pas le nombre de cancers diagnostiqués, comparé aux femmes qui n’y ont pas recours. En revanche, l’AES conduit à une augmentation significative du nombre de biopsies mammaires pour des lésions bénignes. « Cet examen n’apparaît donc pas comme étant très performant, car il est compliqué de trouver une petite lésion. De plus, cette pratique n’améliore pas non plus la survie des malades », souligne la Pr Carole Mathelin (Institut de cancérologie Strasbourg Europe).
Les recommandations internationales plaident donc plutôt pour une meilleure information des femmes afin qu’elles reconnaissent certains signes d’appel qui doivent les alerter (rétractation cutanée ou du mamelon, écoulement mammaire, boule…) et les inciter à consulter rapidement un professionnel de santé. Des conseils de prévention primaire doivent être aussi connus et diffusés : éviter la sédentarité, l’obésité, la consommation d’alcool, sortir suffisamment pour avoir un bon taux de vitamine D. « La Haute Autorité de santé recommande enfin qu’à partir de 25 ans, toutes les femmes puissent avoir annuellement un examen clinique des seins fait par un professionnel de santé (pour celles qui n’ont pas de médecin traitant, la sage-femme peut le faire) », insiste la Pr Mathelin.
— Chez les femmes de 50 à 75 ans qui participent au dépistage organisé. Il n’a pas non plus été démontré que l’AES permettait d’augmenter le nombre de cancers dépistés, alors que ces femmes sont dans une tranche à risque du fait de leur âge. Seule une méta-analyse rapporte quelques études observationnelles de cas de cancers du sein diagnostiqués dans l’intervalle par la femme elle-même, mais avec des biais potentiels. De plus, cela n’a pas permis non plus de baisser la mortalité.
Un doute dans certaines situations
— Chez les femmes de plus de 75 ans. Lorsque le dépistage individuel organisé s’arrête, le risque de cancer du sein, lui, ne disparaît pas pour autant. « L’idéal est que ces femmes continuent de faire leur dépistage mammographique tous les deux ans à titre individuel mais, en pratique, beaucoup ne le font pas. Et les données de la littérature ne sont pas suffisantes pour trancher sur le possible intérêt de l’AES à cet âge », indique la Pr Mathelin.
— Chez les femmes à haut risque génétique. Les données sont également insuffisantes pour préconiser ou non un AES : on ne sait pas s’il est susceptible d’affecter la survie globale. « Néanmoins, ces femmes sont normalement très suivies et dès 30 ans, elles bénéficient d’une mammographie annuelle, d’une IRM, d’une échographie et d’un examen clinique des seins par un médecin », note la spécialiste.
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