La France obtient des « résultats sanitaires médiocres » en matière de santé périnatale, tacle un rapport de la Cour des comptes dévoilé ce 6 mai. Les indicateurs sont « alarmants » et l’offre de soins « ne répond pas aux exigences de sécurité minimales », a tancé Pierre Moscovici, premier président de la Cour, lors d’une conférence de presse. « Pour la France, ce n’est pas une situation acceptable », juge-t-il.
Malgré la hausse des moyens alloués à la politique de périnatalité (9,3 milliards d’euros en 2021, + 9 % par rapport à 2016), la France affiche des performances « nettement en-deçà » de ses voisins européens, déplore Pierre Moscovici. Cette dégradation des indicateurs a déjà été pointée par Santé publique France. Avec une mortinatalité à 3,8/1 000 enfants sur la période 2015-2020, la France est « l’un des seuls pays dans lesquels (le taux de mortinatalité) ne s’est pas amélioré depuis 2000 », pointe le rapport réalisé avec l’appui, entre autres, de l’équipe Inserm Épopé (équipe de recherche en épidémiologie obstétricale périnatale et pédiatrique).
Sur la mortalité néonatale, la France est au 22e rang européen (sur 34) avec 2,7 décès pour 1 000 naissances. « La trajectoire est défavorable depuis 2012 », indique le rapport. De 2015 à 2017, 40 % des décès (2 079 enfants) auraient pu être évités si la France était alignée sur les meilleurs pays européens. Quant aux décès maternels, ils touchent 8,5/100 000 naissances vivantes, dont 60 % seraient évitables. « Dans les deux tiers des cas, ils sont intervenus après des soins non optimaux », est-il relevé.
Si le rapport souligne la croissance des facteurs de risque de complications (surpoids et obésité, addictions, grossesses tardives) et les « fortes inégalités sociales et territoriales » touchant notamment les mères nées à l’étranger et celles vivant dans les outre-mer, le document insiste sur les lacunes de l’offre de soins jugée « inadaptée » et « peu efficiente ».
Une vingtaine de maternités ne respecte pas le seuil de 300 accouchements par an
La réglementation sur le fonctionnement des maternités, « inchangée depuis vingt-cinq ans », rappelle Pierre Moscovici, peine à répondre aux enjeux actuels de prise en charge et d’offre de soins. Une vingtaine de maternités ne respecte pas le seuil minimum annuel de 300 accouchements, est-il déploré. Si la Cour ne se prononce pas sur d’éventuelles fermetures, elle invite à une « revue » régulière de l’activité, en particulier des plus petites maternités.
« Un consensus médical et scientifique se dégage en faveur de structures plus importantes et sécurisées », plaide le premier président de la Cour des comptes, citant un rapport de l’Académie de médecine en faveur d’un seuil de 1 000 accouchements annuels. La Cour invite à une « analyse au cas par cas » sur le sort des petites maternités. Une restructuration de l’offre autour de grands plateaux techniques permettrait de réduire les risques pour les mères et les enfants tout en renforçant l’attractivité des postes pour les professionnels de santé.
Ce souci de la qualité et de la sécurité des soins doit être globalement mieux intégré dans une politique de la périnatalité « holistique », ajoute Pierre Moscovici. La stratégie gouvernementale des « 1 000 premiers jours » (du début de la grossesse aux deux ans de l’enfant), instaurée en septembre 2019, dispose actuellement d’un champ d’action « trop réduit », tranche-t-il. Si cette politique orientée vers la prévention et la lutte contre les inégalités témoigne d’un « volontarisme bienvenu », elle « ne prend pas assez en compte les enjeux de qualité et de sécurité », martèle le premier président. Cette stratégie mériterait également d’être adaptée dans les outre-mer avec des actions spécifiques à ces territoires.
Un appel au maintien « Prado maternité », en l’absence d’alternatives
Dans ce contexte, la Cour appelle au maintien du service d’accompagnement du retour à domicile « Prado maternité », en cours de démantèlement. Ce soutien aux mères doit se poursuivre « tant que des dispositifs alternatifs plus efficaces n’auront pas été déployés, notamment en faveur des femmes les plus vulnérables », est-il préconisé.
La prévention est elle aussi « à renforcer ». Si des progrès sont salués dans le dépistage des maladies rares, l’accent doit être mis sur la vaccination et l’entretien prénatal, deux points faibles actuels. Les politiques en place ne « touchent pas les plus à risque », observe Pierre Moscovici.
La Cour recommande enfin une amélioration de la gouvernance et du pilotage d’une politique globale de la périnatalité, qui gagnerait à être alimentée par des données issues d’un registre unique des naissances. Alors que la France compte parmi la « minorité » de pays européens qui ne dispose pas de système épidémiologique complet, les données - actuellement éparpillées dans plusieurs bases – pourraient être regroupées dans le système national des données de santé (SNDS), suggère la Cour.
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