Les annonces du président Macron sur son plan fertilité, le 8 mai, avaient suscité l’incompréhension chez les spécialistes. Elles sont disséquées d’un œil critique dans Le Figaro ce 13 mai par son ancienne ministre de la Santé, Agnès Buzyn. C’est autant la féministe, que le médecin (professeure d’hématologie, ancienne présidente de la Haute Autorité de santé et de l’Institut national du cancer) et l’artisane de la loi de bioéthique de 2021, qui s’offusque des mesures dévoilées dans la presse.
Un « check-up fertilité » à 20 ans remboursé par l’Assurance-maladie ? La Pr Buzyn fait part de son « étonnement », tant sur la forme que sur le fond. « On ne décide pas de mesures de santé publique sans qu’elles ne soient validées scientifiquement, en fonction de critères précis, internationalement reconnus. Il faut évaluer les bénéfices attendus et les risques encourus notamment psychologiques et éthiques. Il faut aussi tenir compte de leur efficience, c’est-à-dire du coût pour la sécurité sociale en fonction, par exemple, du nombre de vies sauvées », rappelle-t-elle. « Seule la HAS est habilitée à évaluer scientifiquement ce qui mérite d’être remboursé par l’Assurance-maladie », précise-t-elle.
Sur le plan médical : « “Dans quelles circonstances doit-on évaluer la réserve ovarienne ?” est la seule question à se poser », indique la Pr Buzyn, soulignant que celle-ci varie en fonction de facteurs exogènes (alimentation, tabac, surpoids, etc.) et psychologiques au sein du couple.
Renforcer le public, plutôt qu’ouvrir l’autoconservation ovocytaire au privé
L’ancienne ministre de la Santé s’oppose aussi frontalement au président de la République au sujet de l’autoconservation ovocytaire pour raisons non médicales, à laquelle il souhaite sensibiliser les jeunes femmes. C’est pourtant sous le mandat d’Agnès Buzyn qu’a été ouverte cette possibilité à partir de 29 ans et jusqu’à 37 ans pour la femme, via la loi de bioéthique de 2021. « Le but était d’ouvrir un droit, pas d’en faire un devoir », explique-t-elle, se défendant d’avoir voulu généraliser ou normaliser cette pratique. L’argument est scientifique (« l’autoconservation ovocytaire est loin d’être une garantie de faire des enfants »), et surtout féministe et éthique. « On fait peser là sur les femmes une charge mentale supplémentaire : celle de bien veiller à préserver leur fertilité en se prêtant à des stimulations ovariennes pour congeler leurs ovocytes. C’est un discours qui instrumentalise les femmes », déclare Agnès Buzyn.
Quant à l’ouverture de cette pratique aux centres privés (plébiscitée par une partie des gynécologues, biologistes et associatifs), l’ancienne ministre réitère le cheminement qui a primé en 2021 et qui est plus que jamais d’actualité alors que la financiarisation de la santé est galopante : « L’éthique à la française repose sur des principes fondamentaux dont la non-marchandisation du corps (…). Certains voient dans la congélation d’ovocytes un marché lucratif ». Et de craindre que les femmes ne soient incitées à ces pratiques invasives pour des raisons mercantiles. « Si les Cecos [centres d’étude et de conservation des œufs et du sperme, NDLR] doivent être renforcés pour faire face à la demande, mettons plutôt de l’argent dans le secteur public. »
Plus fondamentalement, la Pr Buzyn conteste le lien qu’Emmanuel Macron fait entre déclin démographique et fertilité. « La réponse à la baisse démographique ne peut pas être une médicalisation à outrance de la fécondité des couples », considère-t-elle, invitant plutôt à questionner les raisons sociétales qui conduisent les femmes à des grossesses plus tardives et à renforcer la prévention des facteurs de risques de la baisse de la fertilité. L’ancienne ministre rejoint seulement le Président sur son refus de la gestation pour autrui (GPA). Au nom de l’interdiction de la marchandisation du corps humain.
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