La société s’interroge sur le bien-fondé des examens médicaux intimes. Le comité consultatif national d’éthique a récemment rappelé les principes qui doivent nous guider, nous professionnels de santé, afin de s’assurer que nous ne proposions un acte ou un examen complémentaire non par routine, mais par réelle justification scientifique (1). Et de nouvelles recommandations concernant l’examen pelvien de la femme viennent d’être publiées par le CNGOF (2). Elles s’adressent aux femmes et à tous les professionnels concernés (médecins généralistes, gynécologues, sages-femmes, gynécologues obstétriciens). L’objectif était de déterminer dans quelles situations un examen est utile et dans quels cas il ne l’est pas. Il s’agissait également d’essayer de déterminer si certains moyens pouvaient être mis en œuvre pour améliorer le vécu de cet examen. Un groupe de travail multidisciplinaire de 45 experts a été constitué, comprenant des représentantes d’associations de patientes et d’usagers du système de santé.
Apprendre à communiquer
Première recommandation forte, l’enseignement de l’examen pelvien doit comporter des séances de simulation incluant au minimum des mannequins de basse fidélité. En effet, il a été démontré que la simulation apportait un bénéfice significatif en comparaison avec un apprentissage classique, en termes de compétences, de confiance de l’étudiant et de communication. Le recours à des patientes professeures permettrait d’améliorer encore la qualité de l’enseignement, mais elles n’existent pas (ou peu) encore en France.
Prescription et suivi d’une contraception
Pour une prescription de contraception hormonale, si la femme est asymptomatique, il est recommandé de ne pas faire systématiquement d’examen clinique pelvien, car il ne permet pas d’identifier les contre-indications éventuelles. En revanche, si c’est la pose d’un dispositif intra-utérin qui est envisagé, un examen pelvien préalable est recommandé car il peut permettre de dépister certaines malformations ou une rétroversion utérine et il améliore le vécu de la pose chez les jeunes nullipares ; après la pose, il est recommandé de régulièrement vérifier la présence des fils lors d’un examen au spéculum.
Suivi gynécologique
Il est recommandé de réaliser un examen pelvien au spéculum conduisant au prélèvement (cytologique ou HPV) pour le dépistage du cancer du col de l’utérus, entre 25 et 65 ans tous les trois à cinq ans selon la tranche d’âge.
Pour les femmes consultant pour une incontinence urinaire, une suspicion de prolapsus génital ou de masse pelvienne, des douleurs pelviennes chroniques ou une suspicion d’endométriose, un examen est recommandé pour faire le diagnostic et guider la prescription d’imagerie.
Pour une femme consultant pour des saignements anormaux, l’examen clinique pelvien est également recommandé car il est associé à un raccourcissement significatif du délai au diagnostic des pathologies gynécologiques malignes, comparé à l’interrogatoire seul.
Urgences gynécologiques
Un examen pelvien est recommandé pour les femmes consultant pour des leucorrhées anormales, des symptômes aigus vulvaires, un saignement anormal ou des douleurs pelviennes. En effet, il a été démontré que cet examen peut modifier le diagnostic par rapport à l’interrogatoire seul. Lorsqu’il s’agit d’une suspicion de fausse couche, l’examen pelvien avec pose de spéculum améliore le diagnostic, permettant d’évaluer l’abondance du saignement et rechercher la présence de tissu trophoblastique. Lorsque le diagnostic suspecté est une grossesse extra-utérine, le toucher vaginal est utile quand l’échographie n’est pas contributive.
Suivi de grossesse
S’il s’agit d’une femme asymptomatique et n’ayant pas de facteur de risque d’accouchement prématuré, il est recommandé de ne pas faire de toucher vaginal systématique car il ne diminue pas les complications de la grossesse. De plus, il est recommandé de ne pas réaliser de mesure systématique de la longueur cervicale par échographie endovaginale.
En cas de saignements ou de douleurs au premier trimestre de la grossesse, il est recommandé de réaliser un examen avec mise en place d’un spéculum et de réaliser un toucher vaginal si l’échographie est non contributive ou impossible.
Chez une femme enceinte au deuxième ou troisième trimestre consultant pour douleur abdominopelvienne, il est recommandé de réaliser un examen pelvien (toucher vaginal et/ou sous spéculum) pour éliminer un accouchement imminent. En cas de suspicion de perte de liquide au deuxième ou troisième trimestre, il est recommandé de réaliser un examen au speculum, sans toucher vaginal systématique.
Enfin, lors de la consultation postnatale, en l’absence de symptôme, il est recommandé de ne pas réaliser systématiquement un examen pelvien.
Améliorer le vécu de l’examen
Lors de la pose d’un spéculum, l’utilisation d’un lubrifiant aqueux est associée à une moindre intensité de douleur par rapport à l’utilisation d’eau seule, en particulier chez les femmes ménopausées, et n’altère pas la qualité des éventuels prélèvements réalisés. Les anesthésiques et estrogènes locaux ne sont pas recommandés pour améliorer le vécu de cet examen.
La position gynécologique standard (mise en place des pieds dans des étriers en métal et en décubitus dorsal) étant associée à un moins bon vécu de l’examen chez certaines femmes, il est recommandé de leur proposer des positions alternatives (position demi-assise, pieds à plat sur la table ou sur des repose-pieds plats par exemple), si elles sont compatibles avec un examen de qualité.
Les données concernant la réalisation d’un toucher vaginal à un ou deux doigts, l’ordre des gestes (toucher vaginal avant ou après la pose du spéculum), le matériau du spéculum utilisé et l’auto-insertion étaient insuffisantes pour émettre des recommandations.
Une attention toute particulière doit être portée aux femmes ayant des antécédents de violence, chez qui il est démontré que l’examen pelvien est moins bien vécu (anxiété, inconfort, douleurs, gêne, honte).
Ces recommandations ne doivent pas être appliquées aveuglément et le bon sens clinique doit prévaloir pour les adapter à chaque patiente, selon les circonstances de la consultation.
Enfin, un examen « recommandé » n’est que proposé à la femme, qui l’acceptera, ou non, après les explications du professionnel de santé concernant l’objectif de cet examen. Le comité consultatif national d’éthique vient d’ailleurs de formuler des recommandations autour de l’expression et du respect du consentement concernant le recueil de l’information dans le cadre précis de ces examens pelviens (1).
exergue : Le toucher vaginal systématique ne diminue pas les complications de la grossesse
Hôpital Antoine-Béclère, AP-HP (1) CCNE. Avis 142. Consentement et respect de la personne dans la pratique des examens gynécologiques ou touchant à l’intimité (2) CNGOF.
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