Les prothèses d’uro-gynécologie regroupent tous les implants médicaux mis en place chez les femmes au cours de prises en charge de l’incontinence urinaire (bandelettes sous-urétrales) ou du prolapsus génital (prothèse posée par voie haute). Ces dispositifs sont sous surveillance depuis plusieurs années.
En 2019, la Haute Autorité de santé (HAS), la Direction générale de la santé (DGS) et l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) avaient passé en revue les différents dispositifs et près de la moitié avaient été retirés du marché.
En octobre 2020, un arrêté a encadré la pose des bandelettes sous-urétrales et, en septembre 2021, des implants de suspension destinés au traitement du prolapsus des organes pelviens chez la femme par voie haute : la patiente doit être informée des risques, la décision d’une telle indication doit être prise lors d’une réunion de concertation pluridisciplinaire (gynécologue et urologue), la patiente reçoit un compte-rendu et une fiche d’information standardisée. Elle doit bénéficier d’une consultation de contrôle le mois suivant l’implantation et à un an. Enfin, le chirurgien doit être suffisamment formé et avoir une activité d’implantation régulière.
Effets indésirables et plaintes
Le taux de complications de ces interventions est faible (essentiellement des douleurs chroniques), mais parfois avec une errance diagnostique.
En avril 2023, la HAS, en collaboration avec les sociétés savantes (AFU, CNGOF, etc.), a établi des recommandations quant à la prise en charge des complications de la chirurgie avec prothèse de l’incontinence urinaire d’effort et du prolapsus génital. Elles insistent sur le fait de remettre un document de traçabilité du dispositif implanté à la patiente et de réaliser une consultation de suivi post-chirurgie dans le mois suivant l’implantation et à un an.
En cas de complications graves post-implantation, un encadrement des pratiques a été recommandé : prise de décision après concertation pluridisciplinaire et décision partagée avec la patiente. Si la réintervention est décidée, elle doit être réalisée dans un centre expert ayant un plateau technique multidisciplinaire et par des chirurgiens formés à cette explantation.
Ne faire que retirer la prothèse n’est pas la bonne façon de procéder
Pr Michel Cosson
Actuellement, deux collectifs de femmes se disent victimes de ces dispositifs et regroupent environ 800 patientes. 10 % d’entre elles ont déposé plainte. Elles attaquent les fabricants pour manque d’information concernant les risques ainsi que les médecins qui ont posé les bandelettes depuis les deux arrêtés ministériels, pour manque d’information préalable. « Elles se plaignent d’errance médicale et de non-reconnaissance de leur souffrance ainsi que de la difficulté à être prise en charge correctement en France, explique le Pr Michel Cosson (CHU de Lille), président de la commission pelvi-périnéologie du CNGOF. Certaines demandent même un remboursement du déplacement pour aller se faire retirer leur prothèse aux États-Unis ! Alors qu’il y a les moyens de le faire en France en toute sécurité, après avoir bien évalué la douleur chronique, pour être certain qu’on a des chances d’améliorer la patiente si on lui enlève la prothèse. Avant d’en arriver à la chirurgie, il faut tout un suivi, un encadrement… Ne faire que retirer la prothèse n’est pas la bonne façon de procéder. »
Mieux encadrer le parcours de soins
Face aux difficultés qui persistent (flou sur conditions de formation et de pratique régulière, définition des centres multidisciplinaires, etc.), le CNGOF a appelé, en novembre dernier, à un plan national de prise en charge des troubles périnéaux incluant les prolapsus, les incontinences et les séquelles des accouchements.
Ce plan « doit être élaboré et piloté en collaboration avec les autorités de tutelle, les associations de patientes mais aussi les sociétés savantes et Académies de médecine et de chirurgie, ainsi que les différents professionnels de santé impliqués », indique le gynécologue. Il devrait garantir la prise en charge des complications dans des centres multidisciplinaires associant au minimum gynécologues, urologues, algologues, rééducateurs et radiologues, une formation suffisante pour les professionnels de santé en charge et des réunions pluridisciplinaires pour l’indication des implants. Selon la société savante, un registre national des patientes opérées et de leurs complications devrait être obligatoire.
« La médiatisation des complications a altéré la confiance des patientes dans ces dispositifs. On en pose beaucoup moins qu’avant : environ 25 000 à 30 000 par an avant le Covid-19, contre 15 000 à 18 000 maintenant. Il faut pouvoir proposer des solutions alternatives aux patientes, alerte le Pr Cosson. Certaines patientes demandent l’interdiction des implants, ce qui nous effraie… Nous souhaitons que ces dispositifs restent sur le marché, mais il faut mieux les encadrer et améliorer le parcours de soins. Actuellement, au Royaume-Uni, les bandelettes sous-urétrales sont toujours interdites et on assiste au retour de techniques abandonnées (colposuspension selon Burch, etc.). Nous attendons des discussions avec les autorités. J’espère que, dans un avenir proche, les choses se stabiliseront. »
Entretien avec le Pr Michel Cosson (CHU de Lille)
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