C’est en 2018 que le risque de méningiome, lié à l’utilisation prolongée d’acétate de cyprotérone (Androcur et génériques) à fortes doses (≥ 25 mg/jour), a été démontré. L’étude relevait que ce risque était multiplié par sept pour les femmes traitées par de fortes doses sur une longue période (plus de six mois), et par vingt après cinq années de traitement. Les méningiomes sont des tumeurs cérébrales bénignes. « Environ deux tiers des méningiomes expriment des récepteurs aux progestatifs, et sont ainsi potentiellement sensibles aux progestatifs, qui peuvent alors, à fortes doses, favoriser la prolifération de méningiome déjà existant. Il s’agit d’un effet promoteur. Un petit effet initiateur n’est pas formellement démontré », précise le Dr Geoffroy Robin (Lille). Ce qui plaide pour un effet promoteur est que l’on observe une augmentation du risque de méningiome dès six mois de traitement et que la taille des méningiomes associés à l’acétate de cyprotérone diminue à l’arrêt du traitement. La très grande majorité des femmes ne sont pas opérées, grâce à l’arrêt du traitement.
Un risque très faible en valeur absolue
Les progestatifs sont incontournables dans certaines indications en gynécologie, il importe donc de bien évaluer, pour chaque patiente, le rapport bénéfice/risque individuel. « Il faut informer les femmes de ce risque, en les rassurant. L’incidence annuelle des méningiomes dans la population générale est très faible : 0,01 %. Donc au bout de cinq ans sous Androcur, si on multiplie par 20 ce risque, il reste donc faible, à 0,2 %. Ainsi, si le risque relatif semble important, il est très faible en valeur absolue », insiste le gynécologue.
Après information, une attestation annuelle d’information doit être cosignée chaque année par le médecin prescripteur et sa patiente : elle est indispensable à la délivrance du médicament en pharmacie.
Nouvelles précautions pour l’ANSM
Dans le cadre de la surveillance de l’ensemble des progestatifs, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a observé des cas de méningiome survenus lors de traitement par des molécules autres que l’acétate de cyprotérone, le nomégestrol et la chlormadinone. Quatre progestatifs sont concernés : la médrogestone (Colprone 5 mg), la progestérone 100 ou 200 mg (Utrogestan et génériques), la dydrogestérone (Duphaston 10 mg) et le dienogest (Visanne 2 mg et génériques). Dans ce contexte, le comité scientifique temporaire (CST) a estimé début mars qu’un « effet classe » des progestatifs sur le risque de méningiome ne peut être exclu. « Ce risque reste à confirmer, ou infirmer, au regard des résultats des études épidémiologiques menées par Epi-Phare, et qui ne seront connus que dans un mois ou deux, souligne le Dr Robin. En attendant, nous voyons des femmes inquiètes. Nous allons nous retrouver dans une situation très difficile car la progestérone naturelle est indispensable pour certaines femmes dans la procréation médicale assistée, la ménopause… Et les progestatifs sont essentiels dans de nombreuses pathologies gynécologiques (endométriose, maladie de Willebrand, etc.). »
Un suivi par IRM cérébrale
Concernant la prescription de l’acétate de cyprotérone, il est recommandé de réaliser une imagerie cérébrale par IRM en début de traitement pour toutes les patientes. En cas de poursuite du traitement, l’IRM sera renouvelée à cinq ans, puis tous les deux ans.
En revanche, il n’est pas recommandé de réaliser systématiquement une IRM cérébrale avant une primoprescription d’acétate de chlormadinone ou d’acétate de nomégestrol. « Il est possible de faire un test d’efficacité avec une prescription inférieure à un an, il n’y a pas besoin d’IRM cérébrale, ni d’attestation d’information. À un an, si le traitement est efficace et bien toléré et que la patiente souhaite le poursuivre, il faut alors faire une IRM et remettre l’attestation. La deuxième IRM sera faite quatre à cinq ans après le début du traitement. Si, au bout de cinq ans, le traitement est poursuivi (aucune alternative thérapeutique, balance bénéfice/risque favorable…), il faut pratiquer une IRM tous les deux ans ; ce qui peut parfois être problématique dans certaines régions sous dotées », fait remarquer le Dr Robin.
En cas de symptômes évocateurs de méningiome (maux de tête fréquents, troubles de la vision, du langage ou de l’audition, vertiges, troubles de la mémoire…) une imagerie cérébrale est prescrite, même si le traitement a été pris il y a longtemps.
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