Dans quelle mesure faut-il traiter les symptômes invalidants de la ménopause ? Le « British Journal of Medicine » (« BMJ ») a relancé la controverse, qui court depuis plusieurs décennies, en publiant mi-juin un article très critique quant à une « médicalisation » excessive de la ménopause. De vives réactions n'ont pas tardé à dénoncer une attitude contre-productive pour le bien-être des femmes, notamment en France où le traitement hormonal est peu prescrit.
« En se concentrant exclusivement sur les symptômes, on risque d'alimenter les appréhensions des femmes », jugent les auteurs, emmenés par la gynécologue australienne Martha Hickey, appelant à « normaliser la ménopause » et mettre en avant le confort de ne plus avoir de règles.
Sans vouloir renoncer totalement aux traitements hormonaux, les chercheurs les accusent d'associer la ménopause à l'idée d'un « déclin » qui pourrait s'inverser. Selon eux, le contexte social et culturel jouerait autant sur l'acceptabilité que les aspects physiologiques. Les bénéfices seraient trop vantés par les médias et la littérature scientifique, au profit de l'industrie pharmaceutique.
Un mouvement de balancier
Mais cette vision ne fait pas l'unanimité. Dès sa publication, l'article a suscité de vives critiques d'autres spécialistes de la ménopause. L'article « propage une idée très dangereuse : parce que la ménopause est une étape naturelle du vieillissement, il faudrait que les femmes évitent les traitements médicaux », regrettent dans une lettre au « BMJ » plusieurs dizaines de médecins, sous l'égide de la gynécologue britannique Louise Newson. Plusieurs organisations féministes ont récemment mené campagne au Royaume-Uni pour dénoncer un accès difficile à ces traitements.
Mais c'est aussi le nouvel épisode d'un débat bien plus ancien sur la balance bénéfice/risque. Les traitements hormonaux sont par exemple liés à une fréquence légèrement plus élevée de cancers du sein. « On a trop traité, sûrement, reconnaît auprès de l'AFP la gynécologue française Anne Gompel. Peut-être parce qu'on évaluait mal les effets secondaires, peut-être à cause du marketing des firmes pharmaceutiques. » Seulement, cette situation, qui remonte à plus de 20 ans, a drastiquement changé avec la publication au début des années 2000 d'études qui mettaient en avant les risques, rappelle-t-elle.
Prudence exagérée
Depuis, la littérature scientifique s'est étoffée, nuançant certains biais de ces études, sans pouvoir dire de façon détaillée à quel point les bénéfices des traitements dépassent les risques.
En 2017, le site Cochrane concluait que les traitements hormonaux étaient adéquats quand la ménopause a des effets « intolérables ». Mais où mettre le seuil ? C'est toute la difficulté pour les médecins qui, après avoir manqué de discernement, tendent désormais à une prudence exagérée, estime la Pr Gompel.
La gynécologue française, qui admet que l'article du « BMJ » a raison de regretter les clichés négatifs autour de la ménopause, bat en brèche l'argument d'une médicalisation excessive. Au contraire, « ces dernières années, on a une sous-médicalisation », regrette-t-elle, estimant par ailleurs moindres les risques des traitements recommandés en France par rapport aux pays anglo-saxons.
« Il y a des femmes qui traversent cette période-là en étant catastrophiquement gênées, et actuellement, en France, elles ont un mal fou à trouver quelqu'un pour les traiter », rapporte la spécialiste.
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