Lipstick, pull et boots rouges, imper vert menthe, masque tricolore : il y a du fauvisme chez le Dr Mirla Oviedo-Masset, dans ce déploiement de couleurs vives, plutôt inhabituel sous nos latitudes habillées de sombre. Fidélité ou pas à sa culture d’origine, il ne faut en tout cas guère de temps pour se retrouver parachutée au Venezuela.
À peine le temps de s’asseoir que la carte de son pays natal s’affiche sur l’écran de son ordinateur. La cordillère des Andes et son Pic Bolivar perché à près de 5 000 m, le fleuve Orénoque, la frontière avec l’Amazonie, les plages paradisiaques de l’île de Margarita : « La nature nous a bénis », commente-t-elle, avec la fierté de ceux qui souffrent de savoir leur pays enténébré par la faute de dirigeants sans foi ni loi. « Si vous me laissez parler, on est mal parties », s’amuse-t-elle, en pointant du doigt sa ville natale, Barquisimeto, située à l’Ouest du Venezuela, et fameuse pour sa culture musicale. Et d’ailleurs, la « fille du pays » en pince pour les cordes et, en particulier, le cuatro, une petite guitare à quatre cordes.
Culot et détermination
Mais c’est surtout là qu’est née sa vocation pour la médecine. Pas d’antécédents familiaux, sinon une mère aide-soignante. Qu’à cela ne tienne, elle ne manque ni de volonté ni d’énergie. Elle a même une idée assez précise de ce qu’elle souhaite faire. « Je voulais une spécialité qui ferait le lien entre la médecine interne et la chirurgie. » Ce sera la gynécologie-obstétrique.
Son diplôme de médecin en poche, elle pose ses valises à Caracas, la capitale, pour y faire sa spécialisation. Un premier départ du bercail qui va bientôt en appeler un second, autrement plus radical, pour la France. « Je voulais approfondir mes connaissances en matière de cœlioscopie et d’hystéroscopie à l’hôpital Antoine-Béclère de Clamart, auprès du Dr Jacques Hamou », explique-t-elle. Elle candidate pour un poste d’interne dans divers services hospitaliers : ce sera la Croix-Rousse, à Lyon. Dare-dare, elle obtient une bourse, vend sa voiture et quelques bijoux, travaille en cabinet et à l’hôpital pour mettre de l’argent de côté, prend des cours de Français, et s’envole finalement en septembre 1997 pour la capitale des Gaules. « Avec le recul, je me dis que j’ai eu du culot. » D’autant qu’à l’arrivée, outre qu’elle ne connaît personne, elle réalise qu’elle comprend « les trois-quarts de ce qu’on lui dit ».
Prévu pour durer un an, ce séjour va pourtant jouer les prolongations, et même se conclure par une installation à durée indéterminée. Bien résolue à se perfectionner auprès du Dr Hamou, elle quitte Lyon en 1998 pour Paris, après avoir obtenu un poste d’interne dans le service de gynécologie-obstétrique du groupe hospitalier intercommunal Le Raincy-Montfermeil, en Seine-Saint-Denis. Montfermeil-Clamart, elle court la banlieue, du nord au sud et vice versa.
Une formation qui se double d’une compréhension en accéléré des différentes réalités françaises, raconte-t-elle : « D’un côté, le pays des Lumières, auquel je m’attendais, avec son haut niveau d’exigence, et de l’autre, la banlieue et sa diversité culturelle. J’ai tout de suite eu le feeling avec les patientes africaines, très belles dans leurs vêtements colorés ». Mais c’est aussi en France qu’elle a, ajoute-t-elle, découvert le racisme. Pour autant, la rencontre en 1998 de son futur mari, un Français qu’elle épousera en 2002, scelle son destin : le Venezuela, ce sera dorénavant une fois par an pour les vacances.
Sur deux fuseaux horaires
Fascinée par le mystère de la vie, elle poursuit son apprentissage, en rejoignant en 2000 l’hôpital Jean-Verdier, à Bondy, en Seine-Saint-Denis, où elle est attachée au service de médecine de la reproduction. En 2003, elle retrouve le GHI de Montfermeil où un poste de praticien hospitalier lui est promis. En vain. « En 2005, lasse d’attendre que la France reconnaisse mes compétences, j’ai décidé de quitter le service public pour le privé ». Elle restera six ans à l’hôpital privé Jacques-Cartier, à Massy (Essonne), avant de s’installer en 2012 en libéral à Saint-Mandé, à l’est de Paris
En huit ans, elle s’est constituée une patientèle du monde entier. « Le fait d’être bilingue est un atout : les femmes hispanophones et même lusophones que je reçois peuvent s’exprimer librement, avec leurs mots, ce qui facilite la compréhension de leurs plaintes, témoigne-t-elle. La barrière de la langue nous coûte beaucoup en médecine. » Spécialisée en infertilité, elle nous montre les faire-part de naissance épinglés sur le mur qui fait face à son bureau. « Aider une femme à devenir mère est pour moi le plus beau geste dans la vocation de service d'un médecin », confie-t-elle.
Ici et là-bas : aider passe aussi, depuis 2019, par son engagement au sein de l’ONG Medicos Unidos Venezuela (MUV). Basée à Caracas, l’organisation compte une douzaine d’antennes dans le monde et plus de 5 000 membres. Sollicitée pour créer une délégation en France, le Dr Oviedo-Masset a longuement réfléchi. « Défaut ou qualité, je suis très perfectionniste, et si l’on veut bien faire les choses, il faut donner du temps », précise-t-elle. Mais devant la dégradation de la situation politico-économique, et la répression dont sont victimes certains confrères sur place, elle remise ses appréhensions : « Je ne pouvais pas rester spectatrice de ce qui se passe au Venezuela, le pays qui m’a vu naître et qui m’a formée à la médecine ».
Envoi de matériel médico-chirurgical, programmes de parrainage des internes vénézuéliens, via des bourses et des webinaires, soutien aux professionnels de santé vénézuéliens qui arrivent en France comme demandeurs d’asile… « Je vis sur deux fuseaux horaires », résume la présidente de MUV France. Elle ignore quand elle pourra retourner au Venezuela. La prudence lui commande d’attendre, observe-t-elle. Près de la porte de son cabinet, en contrepoint des clichés des nouveau-nés, une photo d’indiens Guaraos, prise par son mari lors d’un séjour dans le delta de l’Orénoque. Une manière d’embrasser chaque jour du regard ses deux patries.
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