Définition
La thrombopénie est définie par un nombre de plaquettes inférieur à 150 x 10 puissance 9/l (normale : 150 à 350 x 10 puissance 9/l), après élimination d’une « fausse thrombopénie » liée au mode de prélèvement sur tube EDTA (présence d’amas plaquettaires). En pratique, une vérification sur tube citraté (2 e prélèvement) ou sur lame (frottis) est donc impérative devant un nombre de plaquettes bas. Il faut également distinguer d’emblée les thrombopénies « isolées » avec autres lignées sanguines normales, des thrombopénies associées à une autre cytopénie (bi- ou pancytopénie) pour laquelle la démarche diagnostique est celle d’une pancytopénie.
Les éléments de gravité.
D’emblée, il faut distinguer :
1) les thrombopénies aiguës et sévères dites « urgentes », c’est-à-dire de survenue brutale, accompagnées d’un syndrome hémorragique (cutanéomuqueux, plus rarement accompagnées d’hémorragies viscérales notamment cérébrales) et/ou d’un nombre de plaquettes < 10-30 x 10 puissance 9/l, qui nécessitent rapidement une prise en charge spécialisée, avec parfois nécessité d’une hospitalisation en urgence ;
2) des thrombopénies chroniques ou asymptomatiques qui peuvent être prises en charge en ville.
En pratique, la constatation d’hémorragies rétiniennes au fond d’il et de décollements hémorragiques spontanés et bulleux au niveau des muqueuses buccales constitue des indicateurs de gravité et d’urgence au même titre que la profondeur de la thrombopénie (plaquettes < 10-30 x 10 puissance 9/l). L’âge, les comorbidités (AVC…), un traitement antiagrégant plaquettaire ou anticoagulant, la présence d’une fièvre sont également des éléments à prendre en compte.
L’exploration « minimale »
L’identification d’un contexte « évident » de survenu e de la thrombopénie est un élément souvent essentiel dans l’exploration et la prise en charge. Ainsi, les thrombopénies découvertes dans le cadre d’une maladie hématologique maligne connue (leucoses…), survenant dans les suites d’une chimiothérapie, s’inscrivant dans le cadre d’une splénomégalie (hypersplénisme souvent ignoré et/ou méconnu !) ou lors de transfusions et d’un remplissage massif, d’un désordre immunologique (lupus érythémateux aigu disséminé [LEAD]…) ou infectieux (paludisme, purpura fulminans…) ne nécessitent-elles aucune exploration voire aucun traitement particulier, en dehors de celui de la maladie causale ou sous-jacente.
Parmi les examens « utiles », notamment pour éliminer des urgences vitales, peuvent être discutés : un bilan de coagulation (TP, TCA, fibrinogène, PDF ou D-Dimères), pour éliminer une thrombopénie évoluant dans le cadre d’une coagulation intravasculaire disséminée (CIVD), et la recherche de schizocytes pour éliminer une microangiopathie thrombotique sous forme d’un purpura thrombopénique thrombotique ou syndrome de Moschowitz et d’un syndrome hémolytique et urémique (SHU).
Sur le plan théorique, l’exploration d’une thrombopénie doit au minimum comporter la réalisation d’un myélogramme pour déterminer le mécanisme et distinguer les thrombopénies « centrales », par insuffisance de production (insuffisance médullaire, envahissement tumoral, myélodysplasies…), des thrombopénies « périphériques » liées à une destruction et/ou une consommation excessive des plaquettes (myélogramme : moelle de richesse normale à augmentée, avec présence de mégacaryocytes nombreux, sans anomalies notables des autres lignées) (cf encadré « Etiologies des thrombopénies »).
Sur le plan pratique, l’encadré « Conduite à tenir pratique en présence d’une thrombopénie »résume les différentes étapes de l’exploration et de la prise en charge d’une thrombopénie.
Le traitement.
Au terme de la démarche diagnostique, le praticien se trouve souvent devant une thrombopénie « isolée », la plupart du temps rattachée à un purpura thrombopénique immunologique (PTI), dont l’exploration nécessite une enquête exhaustive de pharmacovigilance (médicaments, vaccinations), la recherche de maladies infectieuses (habituellement virales type rubéole, parvovirus B19, VIH…) et de désordres immunologiques (LEAD…).
Le traitement actuel de ces thrombopénies isolées repose en première intention sur les corticoïdes ou les immunoglobulines polyvalentes intraveineuses, voire sur l’abstention thérapeutique. En cas d’échec, la splénectomie reste le seul traitement curateur du PTI chronique. En 2 e intention, l’utilisation d’anciennes molécules comme la dapsone et le danazol connaît un second souffle. A ce stade, l’objectif des traitements est l’obtention durable d’un chiffre plaquettaire supérieur à 30 x 10 puissance 9/l, afin de mettre à l’abri le patient d’une complication hémorragique grave. Enfin, la prise en charge du PTI chronique réfractaire relève de thérapeutiques innovantes en cours de développement qui semblent prometteuses, tout particulièrement le rituximab (anticorps anti-CD20) et les facteurs de croissance plaquettaire notamment les agonistes des récepteurs à la thrombopoïétine via la voie de la thrombopoïétine.
Dans le futur, ces molécules innovantes, l’AMG 531 et l’eltrombopag, vont probablement révolutionner nos pratiques. Elles stimulent la production plaquettaire en activant les mêmes voies de signalisation que la thrombopoïétine endogène avec peu d’effets indésirables à court terme. Ces molécules sont administrables par voie orale ou sous-cutanée et sont donc moins contraignantes que la majorité des thérapies actuellement disponibles. Cependant, elles restent un traitement suspensif et non curatif. L’utilisation actuelle de ces molécules dans le traitement du PTI se limite à 2 situations bien définies : 1) à la phase aiguë, sur une courte période, afin de suspendre la corticothérapie et 2) lors d’un PTI chronique réfractaire sévère et symptomatique ou leur utilisation se conçoit une période prolongée.
Références à consulter pour approfondir la question
- E. Andrès, L. Federici, J. Zimmer, S. Daou, E. Ciobanu, T. Vogel, F. Maloisel. Traitement du purpura thrombopénique idiopathique du sujet âgé. Médecine Thérapeutique 2008 ; 14 : 25-31.
- S. Wagner, E. Ciobanu, L. Federici, J. Zimmer, C. Ronde-Oustau, E. Andrès. De nouvelles perspectives dans le traitement du purpura thrombopénique idiopathique : les agonistes des récepteurs à la thrombopoïétine. Médecine thérapeutique 2008 ; 14 : 96-104.
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