En Île-de-France, 6 000 couples donnent naissance chaque année à un nouveau-né porteur sain AS de la drépanocytose. Pour le Pr Robert Girot, ancien responsable du centre de référence de la drépanocytose de l'hôpital Tenon (AP-HP), le dépistage des porteurs sains représente une opportunité qui devrait être saisie pour étendre le dépistage à leurs parents. Un message à l'occasion de la Journée mondiale ce 19 juin.
LE QUOTIDIEN : Pouvez-vous nous rappeler comment est organisé le dépistage néonatal de la drépanocytose en France ?
Pr ROBERT GIROT : Le dépistage de la drépanocytose est ciblé à partir des origines géographiques des parents. Il ne s'agit pas d'un dépistage généralisé. Dans une région comme l'Île-de-France, cela représente 60 % des naissances dépistées, parmi lesquels 300 bébés homozygotes sont dépistés chaque année.
Le test employé est une électrophorèse d'hémoglobine qui permet de dépister les malades homozygotes SS, mais aussi les porteurs sains hétérozygotes AS.
Que se passe-t-il quand on dépiste un enfant porteur sain AS ?
Le résultat de l'étude de l'hémoglobine des enfants porteurs sain AS est envoyé par courrier à leurs parents avec une proposition de consultation pour les faire bénéficier d'une étude de l'hémoglobine. L'objectif est d'informer les parents de leur statut – les porteurs sains AS sont bien portants – et d'identifier les couples à risque porteurs sains tous les deux pour les orienter vers une consultation de conseil génétique. Seulement 8 % d'entre eux répondent positivement à cette proposition de consultation. Les couples à risque qui souhaitent un enfant peuvent bénéficier du diagnostic prénatal ou du diagnostic préimplantatoire.
En 2014, la Haute Autorité de santé (HAS) avait rendu un avis négatif sur la question de la généralisation du dépistage. En ce qui concerne l'information des parents d’enfants hétérozygotes AS, la HAS s'était déclarée non compétente, d'un point de vue éthique, pour répondre.
Concrètement, comment pourrait-on améliorer la procédure ?
Une étude sur le sujet a été réalisée, dirigée par Pr Marina Cavazzana, de l'hôpital Necker-Enfants malades (AP-HP), dont les résultats devraient être publiés prochainement dans « Frontiers in Pediatrics », et au cours de laquelle les parents d'enfants porteurs sains ont été contactés.
Elle a conduit aux remarques suivantes : 20 % de la population connaissaient la maladie drépanocytaire, alors que l'on s'attendait à trouver un chiffre beaucoup plus bas. Mais il est aussi apparu que certains médecins de ces couples n'avaient pas eu le réflexe de recommander un dépistage aux parents.
Il y a donc un effort de communication à faire envers les médecins. Ensuite, nous avons expérimenté trois méthodes pour contacter les familles : une lettre simple, une lettre plus un SMS et une lettre plus un SMS suivi d'un appel téléphonique trois semaines plus tard. Les taux de personnes qui ont répondu à la proposition de consultation étaient de 6 à 7 % pour la première méthode, de 15 % pour la deuxième méthode et de 30 % pour la 3e méthode.
Les différentes prises de contact suggéraient de prendre contact avec le CIDD (Centre d'information et de dépistage de la drépanocytose) ou un centre de dépistage génétique.
Un projet de dispensaire au Togo
Au Togo, comme dans d'autres pays d'Afrique subsaharienne, la drépanocytose est un fléau insuffisamment pris en charge. La maladie y touche 16 % de la population et, en dehors de la capitale Lomé (où l'hôpital de Tokoin accueille depuis 2017 le premier centre spécialisé dans cette pathologie du pays) et des villes de la côte, elle est peu diagnostiquée et mal prise en charge. C'est la raison pour laquelle Jeanne-Chantal Bonhomme, jeune femme togolaise elle-même atteinte a monté l'association « La Maison des Bien Aimés ». Déjà engagée depuis 1998 dans deux orphelinats accueillant 80 enfants, dont plusieurs atteints de drépanocytose, l'association a acheté un terrain et tente d'attirer des mécènes pour construire un dispensaire à Sokodé, au cœur du pays. « La priorité, c'est la prise en charge de la douleur, remonter le taux d'hémoglobine des patients, les fournir en oxygène ou en morphine », explique Jeanne-Chantal Bonhomme. L'association veut mettre en place une consultation généraliste qui ne soit pas uniquement centrée sur la drépanocytose. « Les soins que l'on propose aux enfants atteints de drépanocytose ne sont pas très différents de ceux qui l'on propose à tous les enfants de la région : prévention du paludisme, soins des douleurs, des diarrhées… », précise le Pr Robert Girot.
Pour plus d'informations : La maison des bien aimés
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