Il existe plusieurs formes de syndromes myélodysplasiques et, à ce jour, aucun traitement n'est efficace de façon prolongée chez une majorité de patients. Ainsi, la forme sidéroblastique peut être prise en charge avec un médicament spécifique : le Reblozyl (luspatercept) qui fonctionne « dans la moitié des cas et en général pendant un an et demi », explique le Pr Pierre Fenaux, du département d'hématologie et immunologie à l'hôpital Saint-Louis (AP-HP), qui a participé à l'étude IMerge. L'érythropoïétine (EPO), indiquée dans toutes les formes de syndrome myélodysplasique, est lui efficace chez 50 % des patients environ et pendant un an en moyenne.
Un mécanisme d'action encore mal connu
Tous ces traitements ont le même objectif : retarder au maximum le recours à la transfusion sanguine et ses nombreux inconvénients (surcharge en fer, fluctuation importante du taux d'hémoglobine, obligation de se rendre tous les 12 jours en centre de transfusion, etc.). Compte tenu du caractère incertain et temporaire de la pharmacopée disponible, « il est nécessaire de trouver de nouveaux produits », insiste le Pr Fenaux.
Contrairement à l'EPO ou au luspatercept, l'imetelstat est capable d'agir sur les clones de futures cellules sanguines anormales. Il détruit sélectivement ces cellules malignes, tout en favorisant la restauration de la production de cellules sanguines normales. Certains chercheurs ont formulé l'hypothèse que cette molécule pourrait agir plus directement que les autres traitements sur la cause de la pathologie. « Le mécanisme d'action précis n'est pas très bien connu, reconnaît le Pr Fenaux. L'idée de tester un inhibiteur de télomérase est née de la constatation d'une suractivité des télomérases chez certains patients. »
Dans l'étude, les patients recrutés étaient à faible risque, âgés de 72 ans en moyenne, avec une concentration moyenne d'érythropoïétine au début de l'étude de 399 mU/mL. Ils étaient fortement dépendants aux transfusions sanguines, puisqu'ils ont reçu en médiane 6 unités de transfusion sur la période de 8 semaines précédant leur entrée dans l'étude.
Environ 18 % des patients traités par imetelstat ont pu se passer de transfusion pendant plus d’un an
Les chercheurs ont recruté 178 patients ayant une atteinte sévère caractérisée par une concentration en hémoglobine de 7,9 g/dL. Les deux tiers d'entre eux (118) ont été aléatoirement attribués au groupe sous imetelstat (7,5 mg/kg) et les 60 autres ont reçu un placebo. Les auteurs ont constaté que 40 % des patients traités pouvaient se passer de transfusion pendant huit semaines consécutives, contre 15 % dans le groupe placebo. Dans 28 % des cas, les patients sous imetelstat ont pu se passer de transfusion pendant au moins 24 semaines. Dans 18 % des cas, cette durée était de plus d'un an.
Près d’un an sans transfusion
Chez les patients répondeurs, la durée médiane sans transfusion était de plus de 51 semaines, soit presque un an, dans le groupe imetelstat, contre un peu plus de 13 semaines dans le groupe placebo. Les chercheurs précisent que les patients du groupe imetelstat avaient également une augmentation de leur concentration moyenne en hémoglobine significativement plus élevée que celle du groupe placebo. D'un point de vue clinique, l’arrêt des transfusions et l'augmentation des taux d'hémoglobine se sont traduits par une réduction notable de l’asthénie.
En ce qui concerne les effets indésirables, les auteurs soulignent un fort taux de neutropénie (68 %) et de thrombocytopénie (62 %) chez les patients traités par imetelstat même si les conséquences cliniques traditionnellement associées (saignements, infections, neutropénies fébriles) n'étaient pas plus prévalentes dans le groupe traité. Il est toutefois à signaler qu'un des patients du groupe imetelstat est mort, deux ans après le début de son traitement, d'une septicémie neutropénique.
Les thrombocytopénies, qui interviennent tôt dans le traitement, « sont problématiques, y compris pour l'autorisation de mise sur le marché (AMM) qui est en cours de discussion au niveau européen », rapporte le Pr Fenaux. Les auteurs suggèrent de travailler les aménagements de dosages et l'espacement des prises. « Ces effets indésirables peuvent être adéquatement pris en charge par un hématologue ayant de l'expérience avec les cytopénies dans sa pratique courante », ajoute-t-il.
Plus de 90 % patients de l'étude étaient en situation d'échec après une première tentative de traitement par EPO. L'imetelstat était donc ici utilisé comme un traitement de seconde ligne. C'est d'ailleurs ainsi qu'il est proposé dans la demande d'AMM étudiée par l'Agence européenne du médicament (EMA). Toutefois, « comme les résultats restent relativement modestes, il faudra tester des associations avec le luspatercept ou l'EPO », ajoute le Pr Fenaux.
Platzbecker U. et al., The Lancet, 2023. doi.org/10.1016/S0140-6736(23)01724-5
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