Des examens poussés chez des personnes se disant atteintes du syndrome de La Havane, un trouble inexpliqué qui a affecté des dizaines de diplomates ou employés américains ou canadiens d'ambassades, n'ont pas révélé de lésions cérébrales notables, selon une étude menée par des chercheurs des Instituts nationaux de santé américains (NIH).
Publiée ce 18 mars dans la revue Jama, l’étude a impliqué 81 patients (âge moyen 42 ans, 49 % de femmes) ayant fait l'expérience d'« incidents anormaux de santé », selon la terminologie employée aux États-Unis. Ces troubles (migraines, vertiges, nausées, troubles de la vision et de l’audition…) ont d'abord frappé des diplomates américains et canadiens en poste à Cuba en 2016, d'où son nom de « syndrome de La Havane ». Ils ont ensuite été signalés ailleurs dans le monde (Chine, Allemagne, Australie, Russie, Autriche) et même à Washington.
Les chercheurs des NIH se sont attachés à identifier des lésions cérébrales en comparant les résultats d'IRM entre les patients se disant atteints du syndrome, en moyenne 80 jours après l’apparition des symptômes, et un groupe de contrôle de 48 personnes (travaillant dans les mêmes conditions). L'étude « n'a révélé aucune différence notable de la structure ou de la fonction cérébrale » entre les individus des deux groupes, soulignent-ils.
Importance de reconnaître l’existence de symptômes
Dans une seconde étude des NIH, publiée dans le même numéro du Jama et conduite comme la première (à quelques mois près) entre juin 2018 et juillet 2022, les chercheurs ont tenté d'identifier des différences dans les marqueurs biologiques entre les personnes atteintes (86 participants) et un groupe de contrôle (30 personnes). Mais sans révéler là non plus de « différences notables, à l'exception d'évaluations objectives et autodéclarées de déséquilibre et de symptômes de fatigue, stress post-traumatique et dépression », lit-on.
Les deux études ont cependant été critiquées dans un éditorial publié conjointement, et écrit par David Relman, un microbiologiste de la faculté de médecine de Stanford. Selon ce chercheur, qui a travaillé sur la question de ces « incidents anormaux de santé », « si l'étude des NIH a utilisé des techniques avancées d'imagerie cérébrale, la technologie actuelle d'IRM est potentiellement insensible, ou mal calibrée » pour certaines caractéristiques de ces troubles.
Pour le Dr Leighton Chan, auteur principal d'une des deux études et cité dans un communiqué des NIH, malgré ces résultats « il est important de reconnaître que ces symptômes existent bel et bien, provoquent d'importantes perturbations dans la vie de ceux qui en sont touchés, et peuvent être assez durables, handicapants et difficiles à traiter ». « L'absence de preuve notable par IRM n'exclut pas qu’il y ait vraiment eu un événement ayant un impact sur le cerveau, à un moment donné. Il est possible que ces personnes subissent les conséquences d'un événement à l'origine de leurs symptômes, mais sans entraîner de changements à long terme (contrairement à un traumatisme grave ou un accident vasculaire cérébral) », commente le Dr Carlo Pierpaoli, chef du laboratoire d'imagerie médicale à l'Institut national d'imagerie biomédicale et de bio-ingénierie des NIH, et auteur principal de l'article sur la neuro-imagerie.
L'affaire du syndrome de La Havane avait entraîné dès le début de vastes spéculations sur son origine. Certains responsables américains ont minimisé au départ les symptômes parfois attribués au stress, d'autres évoquant en privé de possibles attaques et soupçonnant des pays comme la Russie. Mais le renseignement américain avait estimé en mars 2023 « très improbable » qu'une puissance étrangère ou une arme soit à l'origine du mystérieux trouble.
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?