En analysant des échantillons sanguins de patients atteints de Covid long, des chercheurs suisses et américains ont identifié une possible « signature » de la maladie post-infectieuse liée à des modifications des protéines impliquées dans l’immunité, la coagulation et l’inflammation. Ces biomarqueurs potentiels indiquent une activation dérégulée du système du complément, ainsi qu’une altération de la coagulation et des lésions tissulaires.
Publiée dans Science, cette étude a suivi 39 témoins sains et 113 patients Covid jusqu'à un an après l'infection par le Sars-CoV-2. Parmi ces derniers, 40 présentaient des symptômes du Covid long à 6 mois. Chez 22 d’entre eux, ces symptômes persistaient à 12 mois. Au total, 268 échantillons de sang ont été collectés pendant la phase aiguë, puis six mois après. 6 596 protéines ont été analysées.
Le rôle de l’activation du complément
Les patients ayant un Covid long présentaient une activation accrue du système du complément pendant l’infection initiale, mais aussi six mois plus tard. L’analyse a aussi révélé un déséquilibre des protéines impliquées dans la coagulation sanguine et l’inflammation par rapport aux contrôles : le groupe Covid long présentait des taux plus faibles de la protéine antithrombine III, qui aide à prévenir les caillots sanguins, et des taux plus élevés de protéine thrombospondine-1 (TSP-1) et du facteur von Willebrand, tous deux associés à la formation de caillots.
« Ces patients ont également montré des signes d'activation médiée par les anticorps de la voie classique du complément, associée à une augmentation des niveaux d'IgG contre le cytomégalovirus et contre le virus Epstein-Barr », soulignent les auteurs.
Au niveau cellulaire, la signature thrombo-inflammatoire associée au Covid long était liée à une augmentation des agrégats monocytes-plaquettes. La dérégulation des protéines du complément pourrait contribuer à la thrombo-inflammation associée au Covid long, expliquent les auteurs.
Une piste pour la prise en charge ?
« Ces résultats fournissent une ressource de biomarqueurs potentiels pour le diagnostic », poursuivent-ils. Mais ce « potentiel prédictif » pourrait « être quelque peu exagéré », estime le spécialiste des données au King's College de Londres, Nathan Cheetham, sur le Science Media Center. Les modèles « ne fonctionnent pas mieux que les informations standards comme l’âge et l’indice de masse corporelle », poursuit-il.
Les résultats pourraient aussi « éclairer les orientations des traitements », espèrent les auteurs. Dans la prise en charge de la phase aiguë de l’infection, les interventions thérapeutiques avec des inhibiteurs de la coagulation et du complément ont produit des résultats mitigés, rappelle le Pr Wolfram Rud, immunologiste, dans une perspective associée à l’étude. Mais, dans le Covid long, « les caractéristiques pathologiques spécifiques suggèrent des interventions potentielles pour les tests cliniques », estime-t-il.
Il reste que cette étude concerne un petit nombre de patients qui ne peuvent représenter l’ensemble des manifestations du Covid long, auquel plus de 200 symptômes sont associés. Ces résultats pourraient ainsi ne pas être généralisables. « Une réplication ultérieure de l’étude sur d’autres échantillons, en particulier d’origine ethnique différente, serait importante », juge ainsi le Pr Frances Williams, spécialiste d’épidémiologie génomique au King’s College de Londres, sur le Science Media Center. Selon lui, parler de nouveaux traitements « est un peu prématuré ».
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