Cette année, le Congrès francophone d’allergologie (CFA, Paris, 19 au 22 avril) avait pour fil rouge les liens entre allergies et environnement. Force est de constater que la quantité d’allergènes à laquelle nous sommes soumis explose ainsi que les occasions de les rencontrer. En cause notamment, l’utilisation croissante de nouvelles substances chimiques – y compris dans certains produits de santé. Le réchauffement climatique et la pollution, qui interfèrent avec les pollens, sont aussi pointés du doigt.
La chimie fabrique sans cesse des substances potentiellement allergéniques, qui peuvent brusquement occuper le devant la scène du fait de leur utilisation dans des produits du quotidien, y compris dans des préparations ou des outils thérapeutiques. Ainsi, tous les ans, les allergologues décernent le triste prix d’allergène de l’année à certaines molécules qui deviennent souvent très répandues ; comme l’IBOA (isobornyl acrylate) en 2020 ou l’acétophénone azine en 2021. Sans oublier les PEG (polyéthylènes glycols), revenus sur le devant de la scène avec le Covid.
Polyéthylènes glycols : des allergènes dans des médicaments
Les PEG ont en effet récemment attiré l’attention du fait de leur présence dans les vaccins contre le Covid-19, pouvant provoquer d’exceptionnelles réactions. Leur rôle dans des réactions médicamenteuses diverses est certainement très sous-estimé. Or ils sont très largement utilisés en médecine, en cosmétologie et dans l’industrie. De poids moléculaires très divers, on les retrouve aussi sous les termes de macrogol, polymère d’oxyéthylène, laureth-9, etc.
Les exemples de leur implication dans des réactions d’anaphylaxie se multiplient. La Food and Drug Administration (FDA) a recensé, depuis 2005, 53 cas d’anaphylaxie avec des préparations intestinales destinées dans trois quarts des cas à la préparation avant coloscopie et un quart des cas au traitement de la constipation liés à la présence de PEG. Ils ont aussi été incriminés en tant qu’excipients dans des réactions d’hypersensibilité avec certains corticoïdes retard injectables, certains traitements contre le cancer, des anti-TNF, des sirops antitussifs. On trouve volontiers des PEG dans des topiques ou des comprimés… dont certains antihistaminiques !
« Une allergie aux PEG doit être évoquée en cas de réactions à des médicaments ou des produits très différents, ne survenant que pour certaines formes ou doses du même médicament, avec des tests négatifs pour les ingrédients actifs, et devant des antécédents d’urticaire de contact liés à des cosmétiques », explique le Dr Lydie Guenard-Bilbaut (allergologue, Illkirch-Graffenstaden). Le diagnostic est difficile et demande de tester le patient avec le produit responsable, de façon très progressive en raison du risque de réaction systémique même si les tests cutanés sont négatifs.
Des réactions cutanées avec des topiques cosmétiques ou médicaux sont souvent retrouvées avant la survenue d’accidents anaphylactiques, suggérant une sensibilisation cutanée. La physiopathologie est en partie IgE-dépendante mais probablement intriquée avec d’autres mécanismes. Il existe un risque de réactions croisées avec les polysorbates (PS), les poloxamères, etc., aussi largement répandus comme excipients.
En ce qui concerne les vaccins anti-Covid, on retrouve des PEG dans les vaccins à ARNm, et du polysorbate 80 dans les vaccins AstraZeneca et Johnson & Johnson. Les réactions ont été exceptionnelles puisqu’aux États-Unis, pour plus de 1,7 millions de doses, 66 personnes ont fait une réaction anaphylactique ; la moitié a consulté dans les services d’urgence et l’autre moitié a été hospitalisée, dont 18 en soins intensifs, mais aucun décès n’a été déploré. Les personnes considérées à haut risque en raison de réaction sévère à un vaccin ou un médicament doivent faire des tests cutanés au PEG ou au PS 80. Si les deux sont positifs, la vaccination est a priori contre-indiquée avec les vaccins qui en contiennent. Si seul le test au PEG est positif, les vaccins avec PS 80 peuvent être envisagés ; si les deux sont négatifs, un test de provocation orale au PEG peut se discuter ; et s’il est négatif, tous les vaccins sont possibles.
IBOA, des réactions aux capteurs glycémiques
Considéré par les allergologues comme l’allergène de l’année en 2020, l’IBOA (isobornyl acrylate) a pour sa part été incriminé à plusieurs reprises en diabétologie. Une allergie de contact a été signalée pour la première fois en 1995 avec une pompe à insuline puis dans plusieurs cas de réaction aux capteurs FreeStyle en 2017. Si, selon le laboratoire Abbott, ces réactions concerneraient 0,2 % des FreeStyle, selon d’autres études, ce serait plutôt de l’ordre de 66 %. Elles toucheraient en fait 35 à 46 % des utilisateurs de capteurs glycémiques de toute marque mais aussi des pompes à insuline. Il n’est pas toujours simple de différencier irritation et allergie : la réaction allergique dure plus longtemps et déborde le capteur ; elle réagit bien aux dermocorticoïdes. L’utilisation d’un pansement hydrocolloïde ou d’un spray limite bien les phénomènes d’irritation, moins les réactions allergiques, et il peut être proposé d’utiliser un autre capteur sans IBOA comme le Dexcom ou la version 2 du FreeStyle. À noter, des réactions croisées avec d’autres acrylates comme les colles chirurgicales, les Steri-Strip, les colles « domestiques » ou les vernis à ongles.
Élu, quant à lui, allergène de l’année 2021, l’acétophénone azine est utilisé pour son activité antibactérienne et antihelminthique. Il est très présent dans les caoutchoucs, les mousses EVA, les conservateurs, les colorants textiles et en particulier dans les équipements sportifs, lunettes ou chaussons de piscine, chaussures de sport, tongs…