Des chercheurs de l'hôpital universitaire Emory, à Atlanta, viennent d'obtenir des premiers résultats encourageants en faveur de la possible utilisation de la greffe fécale pour réduire le risque d'infections multirésistantes chez les patients immunodéprimés.
Déjà connue pour son efficacité pour lutter contre les infections à Clostridioides difficile, la greffe fécale est envisagée dans de nombreuses autres indications, dont la prévention des infections multirésistantes chez les patients à risque. Dans plusieurs cohortes de patients greffés, il a en effet été observé une réduction des colonies d'Escherichia coli résistantes aux antibiotiques. Et certains chercheurs espèrent un phénomène identique pour l'ensemble des micro-organismes résistants aux antimicrobiens.
Une telle stratégie intéresserait tout particulièrement les patients immunodéprimés contraints à une antibioprophylaxie pour prévenir le risque de maladies opportunistes, ce qui augmente le risque de colonisation de l'intestin par des bactéries multirésistantes. Ici, les résultats de l'étude Premix, publiés dans Science Translational Medicine, ont été obtenus chez des patients ayant eu une greffe rénale.
Une décolonisation plus marquée après transplantation fécale
Les scientifiques d'Atlanta ont mené l'essai clinique sur 11 patients, traités par immunodépresseurs à la suite d'une greffe de rein. La totalité des volontaires a dû observer une phase de préparation colique, basée sur le polyéthylène glycol, mais seulement six d'entre eux ont bien reçu une greffe fécale provenant d'un donneur unique.
Afin de mieux caractériser la résistance aux antibiotiques des bactéries prélevées chez les volontaires, ils ont adopté une approche « omique » qui consiste à conjuguer des données issues de la chimie analytique, des données génomiques, transcriptomiques, protéomiques et métabolomiques.
Ces patients étaient tous porteurs de colonies de bactéries intestinales multirésistantes lors de leur inclusion. Une diminution de la présence de ces bactéries a été observée dans les deux groupes, mais cette décolonisation est plus marquée chez les patients ayant reçu une greffe fécale.
Aucun des participants non greffés n'a connu de disparition totale et spontanée de colonisation par des bactéries multirésistantes, alors que 67 % des patients greffés étaient négatifs pour la présence de bactéries multirésistantes après une dose. La fréquence et la sévérité des effets indésirables étaient similaires dans les deux groupes.
De nombreux travaux encore nécessaires
Une analyse post hoc n'a pas permis de déterminer si la greffe fécale augmentait le risque de rejet de la greffe de rein. Cette question d'un effet indésirable potentiel ne pourra réellement être tranchée que dans le cadre d'études randomisées plus importantes.
Chez certains participants de l'étude, des souches produisant des bêtalactamases à spectre élargi ont été progressivement remplacées par des souches non productrices de bêtalactamases. Les auteurs suggèrent une compétition entre les bactéries résistantes et les nouvelles bactéries introduites par la greffe fécale, ce que semblent corroborer les analyses métagénomiques. « Ces résultats plaident en faveur de l'efficacité de la greffe fécale dans le domaine de la décolonisation du système digestif par les bactéries multirésistantes », jugent les auteurs.
Au cours de leurs recherches, les scientifiques ont constaté la présence de gènes codant pour la colicine (toxine de la famille des bactériocines, produite par certaines bactéries Gram négatives) dans les bactéries présentes après la greffe, alors qu'elle était absente avant. Cela suggère que ces toxines pourraient jouer un rôle déterminant dans la compétition entre différentes souches de bactéries. Des études sur le plus long terme sont aussi nécessaires pour évaluer la durabilité de l'efficacité de cette approche.
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