C’est un regard inédit que porte le consortium Milieu intérieur dédié à l’étude du système immunitaire. À partir de la cohorte éponyme, des chercheurs de l’Institut Pasteur montrent que le tabagisme a des effets durables sur le système immunitaire.
Après avoir mis en évidence un effet à court terme sur la réponse inflammatoire, l’équipe dirigée par Darragh Duffy, responsable de l’unité Immunologie translationnelle à l’Institut Pasteur, montre ici qu’il existe, des années après, des effets sur l’immunité adaptative via des mécanismes épigénétiques. Les résultats sont publiés ce 14 février dans la revue Nature.
L’âge, le sexe, les gènes sont bien connus pour être des facteurs de variabilité de la réponse immunitaire. Mais ils ne suffisent pas à eux-seuls à expliquer les différences interindividuelles. La cohorte Milieu intérieur, qui a été créée en 2011 avec 1 000 individus en bonne santé de 20 à 70 ans, vise en particulier à déterminer quels autres facteurs ont le plus d’influence. Pour ce faire, les chercheurs ont exposé des échantillons sanguins à une grande diversité de pathogènes (virus, bactéries, etc.) et mesuré le taux de cytokines sécrétées en réponse.
Parmi les 136 variables analysées (sommeil, vaccinations, activité physique, maladies infantiles, etc.), le tabac fait partie du trio de tête, avec l’infection latente au cytomégalovirus (CMV) et l’indice de masse corporelle. Le projet Milieu intérieur comprend, outre l’Institut Pasteur, plusieurs partenaires de recherche (CNRS, Inserm, Institut Curie, École polytechnique fédérale de Lausanne, Institutet Karolinska, Imagine, etc.).
Un effet persistant 10 à 15 ans après l’arrêt du tabac
Pour le tabagisme, les scientifiques ont observé que les fumeurs présentent à la fois une réponse inflammatoire accrue (immunité innée) et des altérations de l’immunité adaptative. « En comparant les réponses immunitaires de fumeurs et d’ex-fumeurs, nous avons constaté que la réponse inflammatoire revenait rapidement à la normale après l’arrêt du tabac mais que l’impact sur l’immunité adaptative perdurait dans le temps, pendant 10 ou 15 ans, rapporte Darragh Duffy. C’est la première fois que l’on met en évidence l’influence au long cours du tabagisme sur les réponses immunitaires ».
Il restait à savoir comment ces effets s’exercent. « Lorsque nous nous sommes aperçus que les profils des fumeurs et des anciens fumeurs étaient similaires, nous avons immédiatement suspecté l’implication des processus épigénétiques », rapporte Violaine Saint-André, ingénieure de recherche au sein de l’unité Pasteur, première autrice. Les scientifiques ont ainsi mis en évidence des différences de méthylation de l’ADN susceptibles de modifier l’expression de gènes impliqués dans le métabolisme des cellules immunitaires, entre les fumeurs, les anciens fumeurs et les non-fumeurs. Ces découvertes sur l’impact du tabagisme chez les individus en bonne santé ouvrent aussi des pistes pour comprendre « par comparaison, l’immunité d’individus souffrant de diverses pathologies », souligne l’ingénieure de recherche.
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