Chez des patients atteints de leucémie, le mois qui suit la greffe de moelle constitue une période délicate. La seule défense immunitaire des patients maintenus en chambre stérile est constituée de lymphocytes T matures régulièrement injectés.
Si ces lymphocytes sont capables de prévenir les infections et de détruire les cellules tumorales, ils peuvent aussi induire des réactions du greffon contre l'hôte (GvHD). « La réaction du greffon contre l'hôte, associée à la grande fragilité des patients, fait que 20 à 30 % d'entre eux ne survivent pas au premier mois », relève Christophe Ferrand, de l'Établissement français du sang (EFS) Franche-Comté. Celui-ci a mis au point avec Marina Deschamps, autre chercheur en thérapie cellulaire, le protocole Side by CIDe permettant de désactiver les lymphocytes T après leur injection, dès les premiers signes de GvHD. Leur solution vient de recevoir le feu vert de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) pour un essai de phase I.
Un « gène suicide » en guise d'interrupteur
Ce protocole inédit consiste à intégrer un « gène suicide » dans les lymphocytes T à l'aide de vecteurs rétroviraux. Ce gène code pour la CASPASE 9, une protéase qui, une fois dimérisée, provoque l'apoptose de la cellule. Le gène est accompagné d'une séquence inductrice activée par AP 1903, une molécule produite par le laboratoire pharmaceutique Bellicum Pharmaceuticals. C'est cette molécule qui est injectée au patient pour détruire massivement les lymphocytes T du donneur. La séquence s'insère au hasard, mais le risque de mutation délétère est nul car il s'agit de lymphocytes matures qui ne peuvent pas se multiplier.
« Nous avons évoqué un temps l'idée d'utiliser la technologie CRISPR-Cas9, mais on n'a pas besoin d'insérer le gène dans un site précis pour que notre protocole fonctionne, explique Christophe Ferrand, nous travaillons actuellement à un lymphocyte T modifié exprimant un récepteur spécifique aux antigènes présents sur les cellules tumorales. Notre protocole devrait permettre de sécuriser cette nouvelle approche. »
Premiers résultats dans 3 ans
L'avantage de la méthode est d'épargner un traitement prophylactique particulièrement éprouvant qui exclut les malades les plus fragiles de l'indication de la greffe. Sa mise au point a été initiée en 1998 par le Pr Pierre Tiberghien, directeur de UMR645 « Interactions Hôte-Greffon et Ingénierie Cellulaire et Génique » de l'université de Franche-Comté. L'autorisation de l'ANSM a été motivée par les résultats de l'étude TKO au cours de laquelle des patients ont été suivis pendant plus de 10 ans. L'essai de phase I sera réalisé sur 12 patients à haut risque de GvHD recrutés dans le service d'hématologie du CHU de Besançon. Il s'agira de greffe géno-identique avec des donneurs intra-familiaux. Les premiers résultats sont attendus d'ici 3 ans.
Les lymphocytes T modifiés seront produits dans les deux salles blanches de la plate-forme de production de médicaments de thérapie innovante de l'EFS Bourgogne Franche-Comté. Depuis la loi de bioéthique de 2004, les thérapies géniques et cellulaires doivent, en effet, suivre le même parcours réglementaire que les autres médicaments. Ce qui a poussé l'EFS à devenir un établissement pharmaceutique et à ouvrir plusieurs plateformes de production, telles celle de Besançon inaugurée en novembre 2015.
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?