SI L’ARTHROSE est une des maladies les plus anciennes décrites, nous ne disposons pas aujourd’hui de traitement ciblé permettant de soulager les symptômes, tout en ralentissant véritablement l’évolution de la maladie. S’agissant d’une maladie bénigne mais douloureuse, il existe une réelle attente des patients et du corps médical, de disposer dans l’avenir d’un traitement efficace.
La physiopathologie de l’arthrose commence cependant à être mieux connue. La somme des travaux de recherche menés depuis 20 ans a montré qu’il existe dans cette pathologie une part inflammatoire certaine, avec des mécanismes de destruction du cartilage et de la membrane synoviale semblables à ceux observés dans la polyarthrite rhumatoïde. La différence réside essentiellement dans l’intensité et la fréquence de la réaction inflammatoire, et dans le fait que la cytokine clé est IL-1 dans l’arthrose, et le TNF dans la polyarthrite rhumatoïde. Ces constatations ont conduit les chercheurs à l’idée d’utiliser dans l’arthrose les biothérapies efficaces dans la polyarthrite rhumatoïde.
Obtenir des concentrations élevées au niveau du cartilage.
Le premier problème qui se pose dans l’arthrose est l’exigence d’un cahier des charges beaucoup plus lourd que dans le cadre de la polyarthrite rhumatoïde. En cas de pathologie bénigne, on ne peut tolérer des effets secondaires acceptés dans des pathologies au pronostic fonctionnel plus péjoratif comme la polyarthrite. La deuxième difficulté réside dans le fait que le tissu cible, le cartilage, n’est pas vascularisé. L’objectif pour atteindre le cartilage et la membrane synoviale est d’arriver à obtenir in situ dans l’articulation de fortes concentrations stables d’anti-cytokines, tout en évitant les éventuels effets secondaires systémiques de ces molécules. Les traitements systémiques au long cours ne sont probablement pas la solution adaptée, et la recherche se dirige actuellement vers des traitements intra-articulaires, qui pourraient être ciblés dans le temps, en visant les périodes de poussée inflammatoire et de destruction cartilagineuse.
Le premier essai réalisé dans la gonarthrose consistait en l’injection intra-articulaire d’une dose unique d’un antagoniste de l’IL-1 à demi-vie très courte (l’IL-1ra). L’échec de ce premier essai (aucun effet n’ayant été observé à 1 mois) a permis de tirer un premier enseignement. Il est nécessaire de prolonger le temps de résidence dans l’articulation de la molécule injectée. Des essais en cours actuellement utilisent des anti-IL-1 avec des demi-vies beaucoup plus longues. Une autre possibilité consiste en l’utilisation de stratégies d’injection intra-articulaire permettant d’augmenter le temps de résidence du produit injecté, en utilisant des supports tels que des liposomes ou des microsphères. Ces techniques sont cependant encore du domaine de la recherche.
Mais les anti-IL-1 et les anti-TNF ne sont pas les seules molécules envisageables. D’autres inhibiteurs en cours de développement font l’objet d’essais de phase I dans la gonarthrose en injection intra-articulaire : il s’agit d’inhibiteurs d’enzyme comme ceux de l’agrécanase, d’inhibiteurs de NO. Des essais de phase I sont en cours en utilisant également l’injection intra-articulaire de facteurs de croissance, ce qui pose d’autres problèmes comme le risque de dédifférenciation ostéogénique des cellules souches.
L’arthrose digitale : un traitement systémique.
Le deuxième domaine de développement de la biothérapie dans l’arthrose concerne l’arthrose des doigts, pour laquelle la démarche thérapeutique est différente de l’atteinte des grosses articulations. Il s’agit de formes douloureuses qui atteignent d’emblée plusieurs articulations et pour lesquelles les injections intra-articulaires ne sont pas envisageables. Elles nécessitent une approche systémique. Deux essais en ouverts, ayant étudié l’efficacité d’anti-TNF dans l’arthrose digitale sur des séries courtes, n’ont pas montré de résultats significatifs. Une troisième étude contrôlée, réalisée par une équipe belge, ayant testé la prise de l’adalimumab de façon répétée sur des périodes longues, a pu démontrer un ralentissement de la progression de la maladie. Les résultats d’un quatrième essai utilisant l’adalimumab, randomisé contre placebo, mené par la section arthrose de la Société française de rhumatologie, sont attendus d’ici quelques mois.
Le domaine des biothérapies concerne aussi aujourd’hui le traitement de la douleur, avec le développement d’anticorps anti-NGF. Il ne s’agit pas d’un mécanisme spécifique à l’arthrose, mais d’anticorps bloquant un facteur de croissance, le nerve growth factor qui joue un rôle dans la sensibilisation des nocicepteurs. Les résultats des premiers essais obtenus dans l’arthrose en tant que maladie douloureuse chronique sont très encourageants. Administré en perfusion dans la gonarthrose lors d’un essai de phase III contrôlé randomisé contre placebo, le tanezumab a permis d’obtenir un effet antalgique majeur jamais observé jusque-là. La tolérance du produit reste cependant à observer de près, quelques cas de neuropathies et des dysesthésies des membres inférieurs (7 %) ayant été rapportés. Le schéma consiste en des perfusions répétées espacées de 8 semaines, permettant d’envisager une administration lors des poussées douloureuses. Plusieurs laboratoires ont actuellement un anti-NGF en cours de développement.
Si la biothérapie dans l’arthrose n’en est qu’à ses balbutiements, elle en constitue certainement une voie d’avenir. Le blocage au cours de l’arthrose, même sur des périodes courtes, de l’activité inflammatoire et de la chondrolyse générées par les agents pro-inflammatoires et les enzymes devrait pouvoir permettre, en théorie, de ralentir significativement la progression de la maladie.
D’après un entretien avec le Pr Xavier Chevalier, CHU Henri Mondor, Créteil.
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