Les graminées ou poacées sont une famille très importante de plantes monocotylédones qui comporte plus de 9 000 espèces réparties en 650 genres, aux fleurs peu apparentes, aux fruits farineux réduits à des grains et à l'aspect herbacé.
Les principales sont les herbes des savanes et des prairies. Elles poussent sur environ 40 % de la surface terrestre. On distingue les graminées fourragères (chiendent, dactyle, fétuque, phléole, ivraie, etc.) et les graminées céréalières (avoine, blé, maïs, orge, riz, seigle, sorgho). La plupart des graminées sauvages (graminées fourragères) sont comestibles, servant en particulier à l'alimentation du bétail. Les bambous et la canne à sucre en font partie. Des graminées vivaces aux aspects fluides, graciles et colorés sont devenues très populaires comme plantes ornementales dans les jardins comme les roseaux de Chine (Miscanttus sinensis) (1).
Les graminées sont classées en six groupes qui comportent des chefs de file : Festucées (Dactylis glomerata, dactyle, angl. : orchard-grass), Hordées (Hordeum murinum, orge des rats, angl. : buffalo-grass), Avenées (Avena barbata, avoine, angl. : oat), Phalaridées, Agrostidées (Phleum pratense, fléole des prés, angl. : timothy), Chloridées (Cynodon dactylon, chiendent, angl. : bermuda-grass) (1).
Le rhume des foins étalé de février à juin
L'allergénicité des graminées est très importante car elles produisent du pollen responsable du rhume des foins. Le terme de pollinose ou allergie pollinique est préféré à celui de « fièvre des foins », pourtant toujours utilisé dans la littérature anglo-saxonne. Le terme est dû à John Bostock (1773-1846), un « gentleman-scientifique » qui, lui-même atteint de rhinite en mai-juin, suggéra le rôle de la fenaison à l’origine de ses symptômes. Charles Harrison Blackley (1820-1900), lui aussi atteint de rhinite, dénomma un peu plus tard Catarrhus aestivus et démontra le rôle direct des pollens de graminées et d’arbres.
Les graminées (poacées) pollinisent d'avril à juin-juillet selon les régions et l'altitude. En altitude, au-dessus de 1 200 mètres, la saison des pollens est courte et intense (juillet). Elle est plus précoce dans les régions du sud de la France (cyprès, olivier) qu’au nord (bouleau), les graminées poussant partout. Ambrosia, naguère cantonnée au sillon rhodanien se propage au reste du pays, responsable de rhino-conjonctivites sévères et d’asthmes estivaux (août). La saison pollinique des graminées est précédée par celle des arbres (cyprès, bouleau, olivier) de janvier à mars-avril et suivie par celle des composées (armoise, ambrosia) en juillet-août. Il existe une poussée de graminées sauvages en septembre-octobre responsable d'un regain pollinique.
De nombreux allergènes
Le pollen (du grec palè, littéralement : farine ou poussière) représente, chez les végétaux supérieurs, l’élément fécondant mâle de la fleur. Les allergènes des pollens de graminées sont nombreux, majeurs et mineurs. La nomenclature des allergènes un allergène majeur de la façon suivante, en prenant l’exemple du dactyle (Dactylis glomerata) : Dac g 1 : « Dac » pour « Dactylis », « g » pour « glomerata » et « 1 » étant le n° de l’allergène, sachant que pour le dactyle il existe au moins cinq allergènes – de Dac g 1 à Dac g 5. Pour Lolium perenne (ivraie, angl. : rye grass) les allergènes vont de Lol p 1 à Lol p 11 et pout la Phléole (Phleum pratense) ils vont de Phl p 1 à Phl p 23. Autre exemple pour l’olivier, les allergènes identifiés vont de Ole e 1 à Ole e 12.
On distingue les pollens anémophiles (transportés par le vent) et entomophiles, transportés par les insectes. Les grains de pollen ont une morphologie particulière en microscopie électronique. Au microscope optique, il est possible de différencier les pollens de familles différentes, mais cette distinction est beaucoup plus difficile (voire impossible) pour les pollens d’une même famille (par exemple, pollens de dactyle et de phléole). Les pollens mesurent de 5 à 200 microns, en moyenne entre 20 et 60.
D'un point de vue pratique, il est possible de distinguer les « pollens légers » (graminées) responsables de symptômes car très diffusibles, et les « pollens lourds » (pin, maïs), peu allergisants car guère mobilisables par le vent. Ainsi, la taille des pollens est associée à l'intensité des symptômes allergiques. Si l'on peut mettre en évidence des pollens (ou des fragments de pollen) dans le liquide de lavage broncho-alvéolaire, la plupart d'entre eux restent captés par les fosses nasales et/ou se déposent sur la conjonctive oculaire. En cas d'inhalation massive, en particulier au cours de l'asthme associé aux orages, les symptômes d'asthme apparaissent, le plus souvent en fin de journée, en particulier la nuit, après plusieurs heures d'exposition au pollen.
Le recueil des pollens (palynologie) permet l'établissement des calendriers polliniques d'une ville ou d'une région (1,2).
Des symptômes rhino-occulaires
Les signes et symptômes caractéristiques de la rhinite allergique avec ou sans conjonctivite associent une congestion nasale, des éternuements en salve, une rhinorrhée (antérieure et/ou postérieure), un prurit nasal et oculaire (parfois buccal ou facial), une conjonctivite avec larmoiement et un prurit oculaire (sensation de grains de sable dans l'œil). Si tous ces symptômes peuvent être plus ou moins associés, les patients atteints de rhinite allergique se définissent soit comme ayant le « nez bouché », soit comme ayant le « nez qui coule ». Ces phénotypes peuvent relever de traitements différents, les corticoïdes intranasaux pour les premiers, les antihistaminiques H1 pour les seconds (3).
— L'obstruction nasale peut alterner entre les deux narines en fonction du cycle nasal et, pendant le sommeil, une seule narine peut être obstruée. Les éternuements sont extrêmement variables, mais il s’agit principalement de paroxysmes explosifs de 5 à 10 éternuements ou davantage.
— La rhinorrhée est le plus souvent de couleur claire à blanche, constituée de sécrétions translucides, mais des sécrétions purulentes doivent faire évoquer une sinusite chronique ou une rhinite atrophique (ozène).
— Les signes et symptômes oculaires (rougeur, prurit, larmoiement) entraînent une forte gêne chez plus de la moitié des patients atteints de rhinite allergique (7) et leur présence influence la prescription du traitement.
— D'autres signes et symptômes sont possibles comme les céphalées, une tension faciale, une diminution ou la perte de l'odorat (anosmie) ou du goût (agueusie), une toux et une mauvaise haleine (halitose). Leur existence peut faire reconsidérer le diagnostic ou rechercher des comorbidités.
Le diagnostic est basé sur ces signes cliniques et sur la positivité des prick tests cutanés d'allergie complété par la positivité d'un dosage d'IgE sériques spécifiques (IgEs) contre un ou deux des pollens de graminées classiques (RAst g 3 dactyle et/ou g 6 phléole). Il existe des réactions croisées entre les différentes graminées, fourragères bien sûr, mais aussi céréalières. À cet égard, la signification de la positivité d'un dosage d'IgEs contre les céréales (par exemple le blé, l'orge ou le seigle) est celle d'une réaction croisée banale et non d'une allergie alimentaire, sauf cas particuliers.
Tous les asthamtiques ou presque ont une rhinite allergique
En dehors de la rhino-conjonctivite pollinique isolée il faut insister sur ses comorbidités qui sont fréquentes et sur des symptômes particuliers.
Parmi les comorbidités plus fréquentes, figure l'asthme, qui peut être associé à la rhinite allergique (RA) ou lui succéder (3). Presque tous les patients atteints d'asthme ont une RA. Inversement les patients atteints de RA isolée ont un risque important de développer un asthme. Plusieurs études ont montré que l'immunothérapie allergénique effectuée chez les enfants atteints de RA pollinique isolée peut retarder ou même prévenir la survenue d'un asthme (4-6).
Les autres comorbidités sont nombreuses : sinusite, otite séro-muqueuse, altérations de la qualité de vie, répercussions sur les activités quotidiennes (professionnelles, scolaires, sportives, sociales), anxiété, apnées du sommeil, anomalies bucco-dentaires, obésité, etc.
Au sujet de l’asthme, on peut affirmer : i) que la rhinite allergique et l’asthme sont deux expressions d’un trouble respiratoire commun, même si l’on peut décrire des particularités pour ces deux affections ; ii) que presque tous les asthmatiques ont une rhinite allergique ; iii) que le traitement soigneux de la rhinite améliore le contrôle de l’asthme (in 3).
Le cas de l'asthme associé aux orages
Depuis le milieu du XXe siècle, les épidémies d’asthme aigu grave (AAG) survenues dans plusieurs régions du monde ont été attribuées à des causes variées : pollution atmosphérique (ozone, monoxyde et dioxyde d’azote), changements brutaux de climat, exposition aux moisissures et surtout aux pollens (7-10).
Une forme particulière – l’asthme associé aux orages (AAO) – réalise un syndrome multifactoriel qui touche des sujets jeunes, allergiques aux pollens de graminées (principalement d'ivraie). Dans presque la moitié des cas, les patients n'ont jamais présenté de crises d'asthme (11-13). Ces faits suggèrent qu'un sous-groupe d'allergiques aux pollens peut développer un bronchospasme, parfois sévère, sous certaines conditions, dont la principale est l'inhalation de grandes quantités d'un aérosol de particules allergéniques issues des grains de pollen.
L’augmentation de l’humidité relative, la vitesse accrue du vent, la présence de vents forts de surface sur le front de l’orage et la chute brutale de la température, représentent autant de facteurs favorisants associés. Il a été démontré que l’AAO survenait après une période de beau temps et de forte pollinisation. La pluie ramollit les grains de pollens et l'orage les projette sur des surfaces dures (arbres, sols, routes, etc.). Ces conditions entraînent la rupture des grains de pollens et la libération de fines particules amylacées, très allergisantes (14-17). Les particules infra-microniques libérées par les pollens déchiquetés pénètrent dans les petites voies aériennes (« poumon profond ») et déclenchent des crises sévères d'asthme nécessitant l'admission des patients en unités de soins intensifs (USI) chez près d'un patient sur deux, une ventilation mécanique. Ces AAO surviennent à tout âge et peuvent être mortels.
Les patients à risque sont le plus souvent méconnus car uniquement atteints de rhinite allergique. Dans certaines conditions climatiques, les orages secs sont en cause ainsi que l'inhalation de certaines moisissures. Comparativement aux témoins, la constatation d'une inflammation bronchique plus importante (18) et d'une sous-utilisation de corticoïdes inhalés chez les patients atteints d'AAO (19) plaide pour l'identification de ces patients et le contrôle optimal de leur affection.
Les patients atteints de rhinite pollinique doivent suivre attentivement les relevés de pollino-vigilance et les bulletins météorologiques en veillant à ne pas s'exposer dehors en cas d'alertes d'orages.
L'AAO constitue un phénotype de l'asthme qui comporte plusieurs sous-types (endotypes) d'asthme aigu grave. Le fait que l'AAO typique soit inaugural et survienne pour la première fois chez des patients simplement atteints de rhinite par allergie au pollen montre que cette population à risque, mais cachée est particulièrement vulnérable, nécessitant des besoins importants de santé en termes de soins d'urgence.
Tableaux et risques polliniques particuliers
Deux cas d'AAG ont été décrits chez des plongeurs atteints de pollinose qui avaient rempli leurs bouteilles à l'air libre dans un endroit riche en pollens de pariétaire auxquels ils étaient sensibles (20,21).
L'exposition aux herbes peut provoquer des urticaires de contact ou même des anaphylaxies graves. Le contact des allergènes des tiges des herbes avec la peau lésée (blessures, écorchures, abrasions cutanées) favorise le passage direct des allergènes dans l'organisme (22-24). L'atopie et l'effort sont des facteurs favorisants.
Plusieurs cas d'anaphylaxie lors de la coupe du gazon ont été rapportés depuis l'observation de Subiza et al. (25). D'autres observations (26) concernent des symptômes tels que rhinite, conjonctivite, urticaire lors d'un contact avec les herbes, attribuée à une réaction croisée avec les pollens. L'allergène responsable était la sous-unité de la ribulose-1,5-diphosphate carboxylase/oxydase (RubisCO) [27].
Il faut aussi signaler le cas des « pollinoses de proximité » où les patients souffrent de RA et/ou d’asthme dans des endroits localisés à forte concentration de plantes particulières, surtout au cours d’expositions professionnelles chez les jardiniers, les fleuristes, au cours de l’entretien des espaces verts (mimosa, pissenlit, plantain, mûrier à papier, cyclamen, thuya) (28,29).
Enfin, les individus allergiques aux pollens en particulier de composées constituent une population à risque de développer une allergie alimentaire, dont les symptômers peuvent aller jusqu'à l'anaphylaxie lorsqu'ils consomment du miel ou des produits de la ruche (gelée royale, propolis, pelotes de pollens). De très nombreux cas ont été décrits.
Pollinovigilance
En France, le Réseau national de surveillance aérobiologique (RNSA) fournit plusieurs indications :
1) le nombre total de pollens (taxons) recueillis et leur nature ;
2) le type des symptômes ;
3) le risque allergique d'exposition aux pollens (RAEP), côté de 0 (nul) à 5 (très fort) ;
4) les jours à risque pour un pollen donné (RAEP≥3) [2].
Ces indications, présentes sur le site, sont diffusés par les différents médias, ce qui permet aux patients allergiques aux pollens d'anticiper leurs symptômes par la prise d'un traitement symptomatique basé principalement sur les antihistaminiques H1 de dernière génération.
Conflit d’intérêt. L’auteur n’a pas de conflit d’intérêt
(1) Dutau G. « Graminées » (pp. 143-4) et « Pollens » (pp. 251-2). In : Le Dictionnaire des allergènes. Phase V Édit., Paris, 6e édition, 1 volume, 335 pages
(2) Dutau G. La France des pollens. La Lettre du Pneumologue 2008 ; 3 : 106-10
(3) Dutau G, Lavaud F. La rhinite allergique et ses comorbidités. Rev Fr Allergol 2019 ; 59(1) : 32-40
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