En fabriquant un nouveau modèle d’organoïde de cerveau avec des macrophages, des scientifiques coordonnés par l'immunologiste Florent Ginhoux ont fait une découverte surprenante. L’ajout de ces macrophages a changé profondément la physiologie des organoïdes, qui étaient « plus petits mais bien plus avancés dans leur développement », explique le directeur d’une équipe de recherche à Gustave Roussy/Inserm et chercheur au Singapore Immunology Network/A*Star (SIgN) au moment des travaux. Les résultats ont été publiés début novembre dans la revue Nature.
Les macrophages sont des cellules présentes dans l’ensemble du corps humain et notamment dans le cerveau, où ils sont appelés microglie ou « macrophages résidents du cerveau ». « Ils sont particulièrement importants dans le fonctionnement et le maintien des tissus. Tout dysfonctionnement d’un macrophage dans un tissu va entraîner un dysfonctionnement dudit tissu. La microglie est impliquée dans de nombreuses recherches sur les maladies inflammatoires ou neurodégénératives telles qu’Alzheimer ou Parkinson », décrit Florent Ginhoux, qui précise néanmoins le manque de connaissances actuelles.
Des organoïdes neuronaux pourvus de microglie
Pour étudier les mécanismes en jeu, « il faut pouvoir fabriquer ces macrophages, qui dérivent de cellules embryonnaires ». Son équipe de recherche a donc mis au point un protocole pour fabriquer un organoïde de cerveau contenant de la microglie à partir de cellules souches pluripotentes humaines induites (iPS) *. Cet outil est désormais accessible pour étudier la fonction de la microglie et son interaction dans un organe en 3D, « avec toutes les limites du modèle, l’organoïde n’est pas un mini-cerveau humain, loin de là. C’est un modèle de cerveau embryonnaire, sans conscience, de la taille d’un grain de riz », nuance-t-il.
« Une découverte dans la découverte »
Devant le résultat final, « on s’est rendu compte que l’ajout de ces macrophages change profondément la physiologie des organoïdes ». En effet, ces derniers ne grandissent pas aussi rapidement que les organoïdes sans macrophages. De cette observation purement expérimentale, les chercheurs ont mis en évidence qu'en envahissant l’organoïde, les macrophages vont alors interagir avec les cellules progénitrices neurales (NPC) et les reprogrammer métaboliquement.
« La microglie donne du cholestérol à ces progéniteurs, et ce cholestérol externe va les reprogrammer pour limiter leur prolifération et promouvoir leur différenciation, explique Florent Ginhoux. Les organoïdes sont alors plus petits mais bien plus avancés dans leur développement. » Les observations ont été confirmées dans les cerveaux embryonnaires de souris et humains, « donc ce n’est pas un artefact de culture ». Il ajoute : « Cette étude montre clairement un rôle non immunitaire des macrophages dans le développement physiologique du cerveau ».
Un outil pour améliorer la compréhension des tumeurs du cerveau
Le chercheur se réjouit des possibilités offertes par ce nouveau protocole de fabrication d’organoïde. « Il permettra de modéliser, par exemple, comment le virus Zika ou le Sars infectent la microglie ou les cellules neuronales », illustre-t-il. Au centre de lutte contre le cancer Gustave-Roussy, où il travaille actuellement, ce modèle d’organoïde est d’ores et déjà utilisé pour modéliser certains cancers pédiatriques du cerveau de leurs jeunes patients.
« Nous comprenons encore mal le développement de ces tumeurs, explique-t-il, précisant le très mauvais pronostic associé à cette maladie. Nous utilisons ces nouveaux organoïdes pour modéliser la pousse tumorale chez chaque enfant, afin d’observer comment les macrophages interagissent avec les cellules tumorales. Nous allons peut-être découvrir de nouvelles voies moléculaires d’interaction, potentiellement utiles pour disséminer des traitements. »
* ces cellules sont identiques aux cellules souches embryonnaires ; elles sont obtenues par reprogrammation génétique de cellules spécialisées, notamment des fibroblastes.
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