Aux Hospices civils de Lyon (HCL), « nous avons observé une augmentation de la consommation d’antifongiques pendant la crise du Covid. Cela pourrait être en lien avec les patients Covid admis en réanimation qui ont développé des aspergilloses », constate Anne-Lise Bienvenu, pharmacienne, mycologue et spécialiste du bon usage des antifongiques à l’hôpital de la Croix-Rousse. L’aspergillose induit une surmortalité chez le patient Covid, d’après les dernières données publiées. « Le taux de mortalité est de 50 % environ au lieu de 30 % habituellement », ajoute-t-elle.
Dès 2017, les HCL ont lancé un travail sur les antifongiques afin d’en promouvoir le bon usage, avec le soutien de la commission du médicament et des dispositifs médicaux stériles (Comedims) et du Comité des anti-infectieux (CAI). « L’objectif est de prescrire le médicament à la bonne dose, au bon patient, pendant la bonne durée. En effet, si le patient est surdosé, on peut induire une toxicité. Et s’il est sous-dosé ou s’il n’a pas le bon antifongique, on peut induire une résistance au traitement », souligne la mycologue.
Justifier la prescription
Le groupe de travail est composé de différents professionnels : pharmaciens, cliniciens, infectiologues, mycologues, informaticiens, biostatisticiens. « Il faut être au plus proche du terrain et accompagner les recommandations en étant actifs », insiste Anne-Lise Bienvenu. À partir de l’état des lieux de la littérature, le groupe de travail sur les antifongiques, présidé par le pharmacien Gilles Leboucher, formule des recommandations, qui sont ensuite validées par le CAI présidé par le Pr Christian Chidiac, chef du service Maladies Infectieuses et Tropicales à l'hôpital de la Croix-Rousse. « Lorsque c’est validé, nous communiquons ces recommandations, qui sont mises à disposition des praticiens au niveau du CAI et de la Comedims. Nous effectuons ensuite une veille bibliographique pour les mettre à jour régulièrement », souligne Anne-Lise Bienvenu.
« Dans un cas sur deux, les antifongiques sont prescrits hors autorisation de mise sur le marché (AMM). Nous avons donc rédigé un thésaurus avec des libellés hors AMM pour permettre aux cliniciens d’avoir des références bibliographiques pour justifier la prescription. Nous avons partagé cet outil sur le site de la Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF)* », précise la pharmacienne.
Arbre décisionnel
Pour aller plus loin, la direction des services numériques des HCL développe un outil d’aide à la décision pour accompagner les médecins dans la prescription antifongique. « Nous informatisons nos référentiels de traitement et proposons un arbre décisionnel aux cliniciens pour les aider à se poser les bonnes questions et finalement à trouver les bonnes informations », détaille-t-elle.
« De plus, ce document sera intégré au dossier du patient et apportera la preuve de la démarche de prescription, ainsi qu’une traçabilité. Cet outil pilote va être testé en septembre dans un service de réanimation des HCL », annonce-t-elle. L’objectif est d’obtenir un marquage CE pour ce dispositif et de publier les résultats obtenus. Par ailleurs, un groupe régional sur le bon usage des antifongiques est en cours de création et devrait tenir sa réunion inaugurale en septembre.
*https://www.infectiologie.com/UserFiles/File/groupe-atb/thesaurus-des-i…
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