1. Quel contexte ?
Dans quel contexte clinique évoquer une syphilis ?
Même si la syphilis peut être une véritable maladie systémique (atteinte de l’os et des articulations, hépatique, rénale…) il faut schématiquement savoir l’évoquer dans deux circonstances cliniques. D’abord devant des manifestations cutanées extrêmement polymorphes, parfois discrètes voire banales. Ensuite devant des tableaux neurologiques atypiques, aigus ou chroniques, puisque la syphilis fait partie des diagnostics de « démence curable ».
L’atteinte cutanée, « la grande simulatrice ». La syphilis primaire : après une incubation de 4 semaines en moyenne survient le classique chancre syphilitique du sillon balanopréputial. L’ulcération est superficielle à bord net et à base indurée, indolore, avec une adénopathie sentinelle inguinale. À ce stade, les sérologies peuvent être négatives et le diagnostic peut être fait sur la mise en évidence directe de Treponema pallidum sur un prélèvement génital. Cet examen réalisé avec un microscope à fond noir peut toutefois être techniquement difficile à faire réaliser. Parfois le chancre est méconnu à cause d’une localisation moins évidente : utérine, vaginale ou encore pharyngée.
Lorsque la phase primaire est passée inaperçue, l’histoire naturelle de la syphilis non traitée expose à une évolution vers des formes secondaires ou tertiaires.
La syphilis secondaire (II) peut se déclarer à partir du 2e mois avec une dissémination hématogène parfois inaugurée par de la fièvre et un syndrome grippal banal, associé à une micropolyadénopathie cervicale ou axillaire.
Un des tropismes préférentiels de la syphilis II est toujours la peau avec des manifestations très polymorphes qui ont fait qualifier cette maladie de « grande simulatrice ».
La roséole est une éruption de macules discrètes, en « fleurs de pêcher », non prurigineuses, associées à des plaques muqueuses très contagieuses qu’il faut rechercher dans la bouche ou dans la région périnéale. À un stade plus tardif, entre le 1er et le 6e mois, surviennent les syphilides, lésions papulosquameuses infiltrées roses cuivrées de localisation palmoplantaires.
La syphilis tertiaire : cette phase survient entre deux et dix ans après la contamination. L’atteinte cutanée est faite de nodules dermiques rouges cuivrés infiltrés (gommes).
Les tréponématoses endémiques
Ces tréponématoses touchent essentiellement les enfants. La transmission est non vénérienne, par contact cutané direct interhumain, par la peau préalablement lésée ou via la muqueuse buccale.
Il s’agit du Pian, du Bejel (dont les caractères sont résumés dans le tableau 1) ainsi que la Pinta qui n’est présente que dans les hautes vallées d’Amérique latine avec un tropisme exclusivement cutané. Les séquelles de la Pinta peuvent mimer un vitiligo (image), le Pian et le Béjel peuvent évoluer vers des phases II ou III comme la syphilis, avec des manifestations essentiellement ostéoarticulaires.
Ces tréponématoses sont fréquentes en zone tropicale et peuvent être rencontrées comme pathologie cutanée d’importation. Leur diagnostic est sérologique, sans différence possible avec la syphilis.
Syphilis et système nerveux central
Des anomalies du LCR sont rapportées dans 13 % des syphilis HI asymptomatiques sur le plan neurologique et 25 à 40 % des syphilis II. Le risque d’évolution vers une neurosyphilis d’une syphilis précoce non traitée est de 7 à 9 %. Il est de 20 % en cas d’anomalies du LCR. La réalisation d’une ponction lombaire n’est toutefois indiquée que s’il existe des manifestations neurologiques.
L’atteinte du système nerveux central peut survenir à la phase II ou III. Le diagnostic de syphilis peut être évoqué dans deux ambiances neurologiques distinctes : en contexte aigu devant une méningo-encéphalite ou, de manière plus insidieuse chez le patient âgé, devant un tableau de démence atypique.
À la phase II, il peut s’agir d’une méningite ou méningoencéphalite basilaire avec atteinte des paires crâniennes qui peut survenir de manière précoce. Au stade III, la neurosyphilis peut réaliser plusieurs tableaux sémiologiques. La « paralysie générale » est aussi une méningoencéphalite basilaire chronique et progressive, avec troubles des fonctions supérieures (démence « curable »). Le tabès est une ataxie locomotrice liée à une sclérose des cordons postérieurs de la moelle avec des troubles sensitifs et des signes ophtalmologiques (perte du réflexe pupillaire à la lumière ou signe d’Argyll Robertson). L’imagerie est peu informative.
L’analyse du LCR montre une protéinorachie, une pléiocytose et la sérologie syphilis est positive dans le LCR. Un VDRL positif affirme le diagnostic mais n’est présent que dans 30 % des cas. Le TPHA positif isolé, présent dans 100 % des cas n’est pas un argument diagnostic validé. Dans le doute, le traitement est indiqué. En cas d’atteinte neurologique, le traitement de référence est la pénicilline HG à la dose de 20 MU/je en 6 perfusions pendant 10 à 14 J.
2. Les bases de la sérologie
Connaître les bases de la sérologie tréponémique
La sérologie syphilitique spécifique n’existe pas, c’est une sérologie tréponémique entièrement croisée avec celle des autres tréponématoses. Ainsi un patient d’origine africaine aura très bien pu contracter dans l’enfance une tréponématose endémique et présenter à l’âge adulte une cicatrice sérologique (TPHA + non syphilitique.
Deux tests principaux sont utilisés en association : VDRL et TPHA.
La sérologie VDRL est un test « non tréponémique » et non spécifique (cf. faux positifs infra) dont l’antigène utilisé est la cardiolipine, présente dans la majorité des cellules. Il se positive vers la 4° semaine avec une sensibilité particulière lors des phases tissulaires initiales et II.
La méthode TPHA repose sur une hémagglutination avec des antigènes tréponémiques, elle est quantitative et se positive vers la 5e semaine.
Le test FTA est une méthode par immunofluorescence détectant très précocement les anticorps (IgM +IgG). Il n’est pas disponible en routine et ne présente un intérêt que dans certaines situations particulières, essentiellement dans la syphilis I si les deux autres méthodes sont négatives. Sa positivité permet alors de raccourcir la période « séronégative » en cas de chancre vu très précocement. Le FIA IgM est très sensible mais peu spécifique (faux positifs : facteur rhumatoïde, cryoglobulines).
L’interprétation des sérologies est résumée dans le tableau 2.
Conclusion
La syphilis est une maladie ancienne qu’il ne faut pas considérer comme oubliée. Le clinicien doit l’évoquer devant des signes dermatologiques ou un tableau neurologique subaigu de type méninge encéphalite à liquide clair. Le diagnostic repose sur la sérologie qui associe toujours TPHA + VDRL. Cette sérologie n’est pas spécifique et il convient d’en connaître les limites : faux positifs ou cicatrice sérologique d’une tréponématose endémique. Le traitement de la phase I et II, lorsqu’il n’existe aucun signe neurologique, est simple : Extencilline 2.4 MU en dose unique intramusculaire. La principale complication du traitement est la réaction d’Herxeimer qui comporte l’association d’une fièvre, d’une éruption cutanée, d’une polyadénopathie et d’une hypotension, liées probablement à la lyse des tréponèmes et d’évolution habituellement spontanément favorable. Le suivi du traitement sera fait sur la décroissance du taux du VDRL au 3e et 6e mois. La prévention est commune avec celle des autres IST.
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