On pensait ne plus en entendre parler après les nombreux essais cliniques négatifs : le plasma de convalescents pourrait se révéler efficace pour éviter des décès chez les patients hospitalisés et mis sous assistance respiratoire à la suite d'une infection par le Sars-CoV-2. C'est en tout cas ce que conclut une étude belge publiée récemment dans le New England Journal of Medicine (1).
Selon une autre étude, française cette fois, parue dans le BMJ Medicine (2), le plasma de convalescents n'améliorait pas le pronostic des patients admis à l'hôpital pour une forme modérée de Covid-19, sauf pour un sous-groupe de patients immunodéprimés. Des résultats qui restent à confirmer.
Si l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a fini par fortement déconseiller cette thérapeutique, quelques études semblent mettre en évidence une efficacité du traitement chez les patients atteints d'hémopathies. Début 2023, une méta-analyse publiée dans le JAMA Network Open indiquait que le plasma de convalescents était associé à une diminution de la mortalité chez les patients immunodéprimés. En France, le plasma de convalescents fait toujours l'objet d'un protocole d'utilisation thérapeutique dans le cadre d'essais cliniques.
Ventilation mécanique
Les chercheurs du CHU de Liège ont exploré l'intérêt du plasma de convalescents chez les patients ayant une forme sévère de Covid avec syndrome de détresse respiratoire aigu (SDRA) traités par assistance respiratoire mécanique.
Ont été recrutés 475 patients au pronostic vital engagé admis dans 17 hôpitaux belges entre septembre 2020 et mars 2022. Au bout de 28 jours, le taux de mortalité chez le groupe plasma de convalescents était de 35,4 % contre 45 % dans le groupe traitement standard. Les chercheurs précisent que les gains en survie étaient plus importants chez les patients entrés dans l'étude moins de 48 heures après la mise sous assistance respiratoire (32,7 % contre 46,8 %). Il n'y avait en revanche pas de lien entre le taux de survie et le taux d'anticorps neutralisants dans le plasma injecté.
Des résultats surprenants
« Ces résultats nous ont beaucoup surpris, réagit la Pr Karine Lacombe, infectiologue à l'hôpital Saint-Antoine (AP-HP), investigatrice principale de l'essai Discovery. Ils se sont attaqués à une population que l'on n'avait pas dans nos essais : les patients intubés, traités moins de 10 jours après le début des symptômes et moins de deux jours après leur intubation. » Une population que les médecins comme la Pr Lacombe ne voient plus à l'hôpital, « en tout cas pas dans les populations non immunodéprimées », précise la chercheuse.
Outre le recrutement, cette étude présentait la particularité de sélectionner des plasmas de haute concentration en anticorps neutralisants, ce qui a d'ailleurs posé des problèmes de recrutement de donneurs. « Il est possible que le plasma de convalescents réduise la quantité de virus présente dans les poumons des patients, supposent les auteurs. Les anticorps monoclonaux fournis dans le plasma de donneurs compenseraient le retard de la production d'anticorps par ces patients », qui sont en moyenne très âgés.
L'étude française a, quant à elle, été réalisée à partir des données de la cohorte Corimuno-19, forte de 120 patients, répartis dans deux groupes. Dans le groupe plasma de convalescents, 31,6 % sont décédés, ont été placés sous assistance respiratoire et/ou ont dû recevoir un traitement complémentaire. C'était le cas de 33,3 % des patients de groupe standard.
Il n'y avait que dans le groupe des patients immunodéprimés que le risque d'aggravation était significativement réduit de 61 %. Toutefois, « comme notre étude n'a pas été conçue pour démontrer une efficacité dans ce sous-groupe », il n'est pas possible de conclure définitivement à une efficacité chez les immunodéprimés, explique la Pr Lacombe.
Une place réduite dans la stratégie
Pour l'heure, le plasma de convalescents occupe un strapontin dans l'arsenal thérapeutique, puisqu'il est réservé aux patients immunodéprimés oxygénodépendants en cas d'échec ou de contre-indication au Paxlovid. « Le problème est que l'on a peu de plasma en France et on doit le préserver, explique la Pr Lacombe. Les patients ne se font plus dépister, et leur vaccination est souvent ancienne. On a donc moins de donneurs et leurs taux d'anticorps sont majoritairement inférieurs à la limite d'efficacité. On essaie d'améliorer les dons en faisant des immunoglobulines hyperimmunes, comme avec l'hépatite B, mais encore aucun investisseur ne s'y est mis. »
Confrontés au même problème d'offre, les chercheurs de Liège ont dû se résoudre à n'inclure que 17,7 % des patients dans le groupe plasma, alors qu'ils espéraient inclure la moitié de leurs participants.
L'OMS doit prochainement actualiser ses recommandations de prise en charge du Covid-19 par plasma de convalescents, comme le groupe AvATher de l’Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales - maladies infectieuses émergentes (ANRS-MIE), en France, qui prévoit une série d'auditions au cours du mois de décembre.
(1) B. Misset et al, N Engl J of Med, oct 2023. DOI: 10.1056/NEJMoa2209502
(2) K. Lacombe et al, BMJ Medicine, oct 2023. DOI: 10.1136/bmjmed-2022-000427
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