Les bilans sanguins et urinaires de routine n’ont pas d’utilité pour diagnostiquer un Covid long chez les patients symptomatiques. Une étude des National Institutes of Health (NIH), menée au sein de la cohorte Recover sur 10 000 adultes infectés ou non, n’a pas identifié de biomarqueurs dans les bilans biologiques standards.
Les 25 tests de laboratoire, effectués semestriellement pendant deux ans, ont notamment inclus : hémogramme, bilan métabolique complet, hémoglobine glyquée, analyse d’urine (dont le ratio d’albuminurie sur créatininurie). Les chercheurs ont comparé des personnes n’ayant jamais été infectées par le Sars-CoV-2 à des patients l’ayant déjà été, sans observer de changements induits par le virus sur les biomarqueurs biologiques. Ils ont ensuite analysé les biomarqueurs d’adultes ayant eu une infection aiguë et ceux de personnes ayant reçu un diagnostic de Covid long, sans plus de succès pour mettre en évidence de différence.
Si une augmentation légère de l’hémoglobine glyquée entre les non-infectés et les infectés a pu être remarquée, elle s’efface dès lors que sont retirés de l’analyse les patients avec un diabète préexistant. De même, une hausse ténue du ratio albuminurie/créatininurie est retrouvée mais seulement chez une minorité de patients infectés, et pourrait être liée à la sévérité de l’infection initiale. Ces tests ne se qualifient donc pas comme des biomarqueurs significativement associés au Sars-CoV-2, ni au Covid long.
Diagnostiquer le Covid long : une tâche « herculéenne »
L’étude, publiée dans le journal Annals of Internal Medicine, met en lumière le défi que sont l’identification et le diagnostic d’une pathologie aussi récente que le Covid long. « L’enjeu est d’identifier des biomarqueurs qui permettront de diagnostiquer rapidement et avec précision le Covid long, pour assurer aux personnes en difficulté une prise en charge médicale adaptée au plus tôt », explique le Dr David Goff, directeur de la division des sciences cardiovasculaires à l’Institut national du cœur, du poumon et du sang (NIH). Dans un éditorial associé, la Dr Annukka A.R. Antar et le Dr Paul G. Auwaerter qualifient même la tâche d’« herculéenne ».
En France, en 2022, une étude a rapporté entre 1,2 et 13 % le pourcentage de personnes présentant un Covid long après une infection par le Sars-CoV-2. En se basant sur la définition renforcée de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), dite WHO-PCC, qui cible les personnes avec un Covid long dont les symptômes impactent modérément à fortement la vie quotidienne, les chercheurs dénombrent 2,4 % des Français concernés, soit 1,4 million de personnes.
« Les études observationnelles de grande envergure comme Recover sont des opportunités uniques d’étudier des maladies chroniques associées à un même pathogène, intervenant simultanément chez des millions de personnes », observent les Drs Antar et Auwaerter dans leur éditorial. Ces cohortes sont particulièrement intéressantes en termes de diversité de présentation de la maladie, de sévérité, de comorbidités, de statut vaccinal, de variant viral et de bien d’autres facteurs essentiels à la compréhension d’une pathologie.
Le bilan biologique doit servir à éliminer d’autres diagnostics
Le Covid long inclut un large spectre de symptômes et de problèmes de santé, persistant des mois à des années. Sans biomarqueurs cliniques validés à ce jour, le diagnostic requiert un historique médical complet et un examen physique pour comprendre leurs symptômes. Le bilan biologique ne doit toutefois pas être jeté à la poubelle : il sert à exclure d’autres causes possibles expliquant la symptomatologie.
Des patients nous rapportent que leurs inquiétudes sont trop vite balayées par leurs médecins puisque leurs bilans biologiques sont normaux
Dr Grace McComsey, professeur à l’université Case Western Reserve
Dans l’éditorial, est indiqué que « ces conclusions doivent rappeler aux praticiens de considérer le Covid long comme un diagnostic différentiel en cas de symptômes sans étiologie apparente ». La première autrice de l’étude, la Dr Kristine Erlandson, professeure à la division des maladies infectieuses à l’université du Colorado, insiste sur l’importance de chercher à soulager les patients. Et les Drs Antar et Auwaerter de renchérir : « Reconnaître les symptômes avec empathie et créer un plan de gestion des manifestations de la maladie fournit une base pour générer de la confiance et de l’espoir ». « Des patients nous rapportent que leurs inquiétudes sont trop vite balayées par leurs médecins puisque leurs bilans biologiques sont normaux », alerte la Dr Grace McComsey, autrice senior de la publication, professeure et vice-présidente de la recherche clinique et translationnelle à l’université Case Western Reserve.
« À quel point la définition du Covid long dans cette étude se reflète dans ce qu’on observe en pratique clinique ? Est-ce que la sévérité des symptômes est corrélée aux valeurs de laboratoire ? Y a-t-il des différences selon le genre ? Le temps passé depuis l’infection aiguë influe-t-il sur les tests ? » : autant de questions persistent, d’après les auteurs de l’éditorial. Dans cette optique, la Dr Erlandson annonce que « les futurs travaux de Recover porteront sur les échantillons sanguins et de liquide cérébrospinal pour développer de nouveaux tests de laboratoire afin de mieux comprendre la physiopathologie du Covid long ».
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