LE PREMIER objectif du signalement externe des infections nosocomiales (IN) est la détection des « situations à risque infectieux suffisamment graves ou récurrentes imposant la mise en place rapide de mesures de contrôle et de prévention à l’échelon local, régional ou national », expliquent les auteurs de ce troisième bilan qui concerne la période 2007-2009. Les deux précédents portaient sur les signalements effectués en 2001-2005 et en 2006. Le dispositif prévoit que les cas d’IN soient portés à la connaissance des directeurs du centre de coordination de la lutte contre les infections nosocomiales (CCLIN) de l’interrégion et de l’Agence régionale de santé (ARS), cette dernière étant chargée de transmettre l’information à l’Institut de veille sanitaire (InVS).
Les critères de signalement.
Le signalement externe des infections nosocomiales (IN) s’effectue sur la base de critères définis réglementairement (2), à savoir :
1. les IN ayant un caractère rare ou particulier, par rapport aux données épidémiologiques locales, régionales ou nationales, du fait : de la nature, des caractéristiques ou du profil de résistance aux anti-infectieux de l’agent pathogène en cause ; de la localisation de l’infection chez les sujets atteints ; de l’utilisation d’un dispositif médical ; des procédures ou pratiques pouvant exposer ou avoir exposé d’autres personnes au même risque infectieux lors d’un acte invasif. L’InVS précise qu’il faut signaler « les colonisations pour certains phototypes de résistance rares et émergents », en citant l’exemple des entérocoques résistants à la vancomycine et des entérobactéries résistantes aux carbapénèmes ;
2. tout décès lié à une IN ;
3. la suspicion d’un germe présent dans l’eau ou dans l’air environnant ;
4. les maladies faisant l’objet d’une transmission obligatoire de données individuelles à l’autorité sanitaire et dont l’origine nosocomiale peut être suspectée.
Signalements en hausse.
« Près de la moitié (48 %) des établissements de santé ont effectué au moins un signalement entre 2001 et 2009 », indique le bilan. La comparaison des données des trois périodes analysées montre que l’évolution à la hausse du taux annuel moyen de signalements externes, mise en évidence entre 2001-2005 et 2006 (+ 23 %), se poursuit : + 42 % entre 2006 et 2007-2009, période au cours de laquelle il était de 29,4 pour 10 000 lits d’hospitalisation complète. Ce taux varie toutefois selon les interrégions, de respectivement 19,3 et 19,6 dans l’Ouest et le Sud-Ouest à 50,5 dans l’Est.
L’application du dispositif n’est pas encore optimale puisque 19 % des signalements reçus par les CCLIN n’étaient pas transmis à l’InVS. On note, là encore, des disparités à la fois interrégionales – l’interrégion Nord (13 %) fait mieux que le Sud-Ouest (31 %) – et selon les années, « avec un maximum de 22 % au niveau national en 2009 ». Enfin, le délai médian entre la date du dernier cas d’un événement et celle de son signalement ainsi que le délai entre la date du signalement et sa réception à l’InVS ont diminué depuis 2006, passant de 13 jours à 12 jours pour le premier et de 9 jours à 5 jours pour le second.
Risques déjà décrits.
Les 3 721 signalements effectués entre 2007 et 2009 correspondaient à 15 192 cas d’infections ou de colonisations. Dans 3 % des cas, il s’agissait de colonisation digestive ou respiratoire, « dont 74 % par un entérocoque résistant aux glycopeptides (ERG) » ; 35 % des signalements concernaient des cas groupés (en moyenne 27 cas). Les signalements les plus fréquents demeurent ceux des cas d’infections à bactéries multirésistantes (BMR). Certaines d’entre elles n’ont pas connu d’évolution significative dans le temps, comme Staphylococcus aureus avec 40 % des souches résistantes à la méticilline et 3 % de sensibilité intermédiaire aux glycopeptides. En revanche, d’autres BMR sont en augmentation par rapport aux bilans précédents. C’est le cas pour les infections ou colonisations à Acinetobacter baumanii dont la proportion de souches résistantes à l’imipénème est passée de 23 % à 63 % entre les première et troisième périodes.
Par ailleurs, le taux de signalements d’infections à Clostridium difficile a baissé entre 2006 (19 %) et 2007-2009 (8 %), mais il reste plus élevé qu’en 2001-2005 (1 %). Près d’un tiers des signalements des ERG (31 %) correspondait à des cas groupés (médiane de 14 cas par épisode) et 45 % ont été effectués dans les régions Lorraine et Alsace. « Cependant, indiquent les auteurs de l’analyse, l’émergence de ce microorganisme était aussi notée dans les régions Nord-Pas-de-Calais, Île-de-France et Picardie principalement et, dans une moindre mesure, dans les régions Auvergne et Rhône-Alpes ».
Plus de la moitié des infections à Pseudomonas aeruginosa signalées (56 %) étaient le fait de souches résistantes à la ceftazidime ou à l’imipénème. Une diminution du nombre de signalements de légionellose a été constatée entre 2006 (n = 55) et 2009 (n = 45). Trois quarts des infections invasives à Streptococcus pyogenes ayant fait l’objet d’un signalement externe sont survenues chez des patients de gynéco-obstétrique, dont 10 sont décédées. Dans la majorité des 54 épisodes de coqueluche (près de 6 sur 10), « un ou plusieurs membres du personnel étaient impliqués, en tant que cas secondaire ou index présumé ». Pour ce qui est des infections virales (185 signalements correspondant à 2 309 cas), les signalements concernent principalement des gastroentérites (1 591 cas), provenant surtout de services de soins de longue durée ou de réadaptation et d’établissements d’hébergements pour personnes âgées dépendantes.
De nouvelles données.
Les auteurs soulignent que « le signalement a permis, sur la période 2007-2009, de détecter plusieurs risques précédemment méconnus ». C’est le cas de la rougeole en milieu de soins, avec une diffusion possible du virus au-delà des premiers services concernés. Les professionnels de santé étaient impliqués comme cas secondaire ou index présumé dans pratiquement tous les épisodes signalés. C’est également le cas pour les infections à EBLSE avec une proportion de signalements passée, entre le premier et le dernier bilan, de 27 % à 40 %. « Ce phénomène concerne l’hôpital et la ville et ses déterminants sont multifactoriels ». On dispose depuis peu de recommandations pour prévenir l’émergence de ces EBLSE (voir page 00).
Autres risques nouvellement identifiés : d’une part, les BMR importées de l’étranger pour lesquelles des recommandations ont également été élaborées cette année (voir page 00) et, d’autre part, les infections cutanées à mycobactéries atypiques (MA) contractées en ville suite à certaines procédures de soins esthétiques de type injections de mésothérapie. Pour les MA, 10 signalements ont été faits durant la période 2007-2009 (11 cas), soit 0,3 % de l’ensemble des signalements.
Améliorer le système.
Ce système d’alerte, « complémentaire des surveillances pérennes », a fait la preuve de son efficacité, mais doit encore être renforcé. Ce qui nécessite des actions de sensibilisation après des professionnels de santé et des autorités sanitaires régionales. Des évaluations par questionnaires réalisées depuis deux ans par les CCLIN ainsi qu’une étude du réseau d’alerte, d’investigation et de surveillance des IN (RAISIN) ont permis de définir plusieurs pistes pour améliorer le signalement externe. « Pour répondre aux attentes ainsi exprimées », notent les auteurs, les CCLIN travaillent actuellement à l’amélioration des retours d’expérience (REX). Les experts plaident également pour une centralisation des signalements qui permettrait d’éviter les discordances des données selon les circuits. C’est l’objectif du projet Sin@pse lancé en juin 2008 par l’InVS. Ce projet d’informatisation du circuit, qui associe des représentants de l’ensemble des acteurs impliqués dans le signalement, devrait être déployé au niveau national d’ici à la fin de l’année prochaine. L’application Sin@pse « permettra aux établissements de santé de réaliser les signalements externes d’infections nosocomiales au travers d’une interface web sécurisée, et d’obtenir directement des synthèses issues de la base de données nationale des signalements ».
(1) Poujol I et coll. Signalements externes des infections nosocomiales, France, 2007-2009. BEH 2010 ; 38-9 : 393-7.
(2) Signalement des infections nosocomiales et recueil des informations les concernant. Code de la santé publique. Article R6111-13.
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