Certains virus spécifiques aux moustiques sont capables d'augmenter la capacité de ces derniers à transmettre des arboviroses, telles que la dengue ou le Zika, selon les travaux publiés dans « Nature Microbiology » par une équipe Inserm/CNRS/Université de Strasbourg.
Les chercheurs ont étudié le virome - c’est-à-dire les populations de virus qui colonisent le tube digestif - chez 800 moustiques Aedes collectés dans six pays, sur quatre continents. Ils ont identifié 12 virus qui n’infectent pas les humains mais augmentent le potentiel de transmission des virus de la dengue et du Zika. Parmi ses 12 virus, cinq n'avaient encore jamais été décrits jusqu'à présent.
En particulier, le Phasi Charoen-like virus (PCLV) et le Humaita Tubiacanga virus (HTV) ont attiré l'attention des chercheurs, car ils étaient retrouvés dans plus de la moitié des échantillons. Les deux virus n’étaient pas ou peu présents dans les échantillons en provenance d’Afrique, où il y a peu de cas de dengue. A contrario, ils étaient très présents dans les moustiques originaires d’Asie et d’Amérique du Sud.
Une période d'incubation raccourcie
Dans un deuxième temps, les chercheurs français se sont associés à leurs collègues brésiliens de l’Université fédérale du Minas Gerais, détenteurs d'une collection d'ARN de plus de 500 moustiques récoltés sur une année dans une petite ville au sud-est du pays, Caratinga, où la dengue est endémique.
L'analyse de ces échantillons a révélé l'existence d'un lien statistique entre la présence des virus HTV, PCLV et du virus de la dengue : les moustiques infectés par les virus HTV et PCLV avaient une probabilité trois fois plus élevée d’être également infectés par celui de la dengue.
Les scientifiques ont ensuite confirmé cette observation par de nouvelles expériences menées dans l’insectarium de Strasbourg. En introduisant des virus HTV et PCLV dans des moustiques de laboratoire, les chercheurs ont constaté que la capacité de la dengue et de Zika à se répliquer était augmentée. Un taux plus élevé de ces virus raccourcit la période d’incubation extrinsèque, c’est-à-dire le temps nécessaire aux moustiques infectés pour devenir infectieux.
En utilisant une modélisation mathématique, les chercheurs suggèrent que cette capacité infectieuse plus élevée pourrait multiplier le risque de transmission de la dengue et du Zika par cinq quand HTV et PCLV sont présents.
Les histones au cœur de l'interaction entre virus
Les scientifiques ont continué leurs travaux en étudiant les gènes qui s'exprimaient chez les moustiques infectés par HTV et PCLV. Ils ont découvert le rôle important des histones, normalement impliqués dans la compaction de l'ADN, et tout particulièrement l’histone H4. Leurs résultats montrent que le virus de la dengue utilise l’histone H4 pour se multiplier chez le moustique. HTV et PCLV, par un mécanisme qui reste encore à déterminer, maintiennent l’expression de l’histone H4 chez les moustiques infectés, favorisant ainsi la multiplication du virus de la dengue.
La compréhension de ce type de facteurs est importante car elle peut guider des mesures de santé publique efficaces pour prévenir les épidémies. Les auteurs espèrent qu'à l'avenir, il serait possible de jouer sur ces mécanismes moléculaires d'interaction entre HTV, PCLV et arbovirus pour diminuer la transmission du virus à l’humain.
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