L’ANÉVRISME de l’aorte abdominale se forme à partir d’une plaque d’athérosclérose. Les AAA se caractérisent par la présence d’un thrombus dans la lumière de l’aorte, qui contient des protéases et participe à la dégradation de la paroi, conduisant éventuellement à la rupture et à la mort. Ce thrombus qui compense la dilatation permanente, n’obture pas l’aorte. Mais il contient des enzymes protéolytiques, qui digèrent la paroi du vaisseau et semblent en rapport avec des bactéries circulantes.
Depuis quelques années, des essais avec un produit antiprotéase, qui est en fait un antibiotique, la doxycycline, pour inhiber la digestion de la paroi de l’aorte, montrent que la doxycycline réduit la croissance des AAA.
Dans les endocardites infectieuses il existe aussi un thrombus qui sert de point d’accroche aux bactéries.
Récemment, des chercheurs japonais ont détecté la présence de bactéries parodontales dans des échantillons de tissus athérosclérotiques.
L’idée est venue aux chercheurs d’un lien entre les parodontopathies et le développement des AAA. Jusqu’ici, seules des présomptions fortes étaient en vogue, le lien n’était pas encore montré. C’est ce que réalisent des chercheurs français (Dr Jean-Baptiste Michel, INSERM U698 à l’hôpital Bichat, Paris, en collaboration avec des chirurgiens vasculaires des hôpitaux Bichat et Georges-Pompidou et des équipes de parodontologie de l’hôpital Rothschild et de Rennes), sous la coordination d’Olivier Meilhac. Ils ont montré que les bactéries responsables des maladies parodontales, comme Porphyromonas gingivalis, se retrouvent dans des échantillons d’anévrysmes aortiques. Par quels mécanismes ces bactéries de la gencive peuvent-elles être retrouvées dans cette lésion de l’aorte ? Les chercheurs publient dans « PloS ONE » une réponse obtenue sur des modèles d’AAA chez le rat.
Le thrombus d’un AAA ne cicatrise pas.
Un thrombus normal se recolonise par des cellules du tissu mésenchymateux, un réseau de fibrine, cicatrise et s’évacue dans la circulation après fractionnement et lyse.
Le thrombus d’un AAA ne se cicatrise pas, il se recolonise par des leucocytes et notamment des neutrophiles trappés, mais aucun réseau ne s’organise. Cela a été montré sur plusieurs années, avec des pics de croissance de l’anévrysme.
Le travail des chercheurs sur le modèle d’AAA montre la cicatrisation rapide du thrombus formé expérimentalement ainsi que de l’anévrysme, sans la présence de neutrophiles. Lorsqu’on injecte chez le rat des bactéries dans la circulation, on retrouve ce qu’il se passe chez les humains, à savoir la présence des neutrophiles sur la face luminale du thrombus. Or cela ne peut être expliqué que par un agent qui les attire.
C’est pour cette raison que l’équipe de recherche a fait l’hypothèse que les bactéries Porphyromonas gingivalis, peu pathogènes, participent à la pathogénie des AAA en activant les neutrophiles et entretiendraient le phénomène de recrutement chronique.
L’histologie montre en effet que chez les rats à qui est injecté P. gingivalis, de nombreux neutrophiles s’accumulent à la surface du thrombus, ce que l’on n’observe pas chez les rats chez qui on provoque un thrombus sans adjonction des germes.
Les chercheurs en concluent que le recrutement des cellules et l’entretien des thromboses dans l’AAA pourraient êtres dus à des infections bactériennes à bas bruit et chroniques du parodonte et de la cavité buccale.
Avec en conséquence, que « ces résultats à terme pourraient permettre de ralentir voire de stopper la progression des AAA, en traitant la maladie parodontale ou par l’utilisation d’antibiotiques adaptés. » Une étude va être menée chez des personnes ayant un AAA de petite taille, on va traiter leur parodontopathie et surveiller l’évolution de l’anévrysme.
Les AAA représentent une manifestation clinique particulière de l’athérothrombose au niveau de l’aorte touchant jusqu’à 9 % des adultes à partir de l’âge de 40-50 ans.
L’équipe d’Olivier Meilhac va rechercher si ces résultats concernent aussi d’autres manifestations cliniques de l’athérothrombose, comme les pathologies carotidiennes ou coronaires. Une étude clinique va être réalisée chez des patients devant être opérés de la carotide pour rechercher les bactéries dans un prélèvement buccal.
PloS ONE, avril 2011, volume 6, n° 4, e18679.
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