EN MARS 2007, le Gabon a dû faire face à une épidémie à la fois de dengue et de chikungunya, qui s’est déclarée à Libreville, la capitale, pour atteindre la frontière camerounaise au Nord, en juillet , touchant 20 000 personnes. Pour la première fois, une double épidémie de ce type frappait le continent africain. Cette situation inédite a permis aux chercheurs français de l'Institut de recherche pour le développement (IRD) et à leurs partenaires gabonais du Centre international de recherches médicales de Franceville, de lancer une série d’investigations qui ont conduit à une conclusion elle aussi inédite : le moustique Aedes albopictus a joué le rôle de vecteur principal dans ce scénario inattendu et a pu transmettre simultanément les deux virus.
Près de 800 prélèvements sanguins ont été effectués chez des patients fébriles qui consultaient dans les centres de santé dans la semaine suivant l’installation des premiers symptômes. Les tests pour le chikungunya (CHIKV) étaient positifs chez 35 % d’entre eux ; ceux pour la dengue (DENV-2) l’étaient chez 7 %. Plus étonnant, 8 patients étaient doublement infectés par les deux virus, sans présenter de signes particuliers de sévérité ni de symptômes spécifiques.
Les chercheurs ont aussi capturé plusieurs milliers de moustiques des genres Aedes, Culex, Anopheles et Mansonia autour des habitations où avaient été détectés des cas de chikungunya et/ou dengue. Parmi toutes ces espèces, seul Aedes albopictus était positif pour les deux virus.
Une même mutation.
La dengue et le chikungunya ont été au cours des vingt dernières années à l’origine d’épidémies de plus en plus importantes, qui, jusque-là, avait épargné le continent africain. En 2006, l’épidémie réunionnaise de chikungunya avait touché près d’un tiers la population et des millions de personnes ont été infectées en Inde et dans les Îles de l’océan indien. La dengue, quant à elle, fait chaque année environ 100 millions de victimes et son incidence a été multipliée par 30 en cinquante ans. Alors qu’ Aedes ægypti a longtemps été considéré comme le vecteur principal de la transmission à l’homme de ces virus, le rôle de vecteur principal d’ Aedes albopictus, le moustique tigre , semble de plus en plus se préciser.
L’analyse phylogénétique montre que la souche virale gabonaise du chikungunya appartient à la lignée « Afrique centrale » proche des souches isolées lors de la 2 e moitié de l’épidémie de 2005-2006 à la Réunion. Elle se caractérise par une mutation génétique (A226V) mise en évidence également sur les souches dans les autres îles de l’océan indien (Maurice, Madagascar) mais aussi en Italie. « La mutation A226V semble donc être caractéristique des souches virales transmises par le moustique tigre. L’apparition d’une même mutation dans différentes régions du monde suggère une adaptation du virus au nouveau vecteur », soulignent les auteurs. Autre fait surprenant, selon eux, « il semble que la propagation d’A. albopictus dans une région antérieurement occupé par A. aegypti se soit dans le même temps, accompagné de l’émergence du virus de la dengue de type 2 ». La souche gabonaise du virus de la dengue isolée en 2007 est génétiquement très éloignée des autres souches isolées en Afrique ce qui exclut l’hypothèse d’un ancêtre commun. En revanche, elle est plus proche des souches asiatiques ou australiennes.
L’étude gabonaise justifie les mesures récemment prises en France et en Europe contre les deux arboviroses, en particulier le renforcement de la lutte antivectorielle, pour l’heure unique moyen de prévention. « A. albopictus est maintenant présent dans plusieurs pays tempérés de l’hémisphère nord. Il pourrait être à l’origine de futures épidémies. La description récente d’une transmission autochtone du virus du chikungunya dans le nord de l’Italie préfigure de manière inquiétante un scénario qui pourrait se reproduire de plus en plus fréquemment en Europe et en Amérique du nord au cours des prochaines années », concluent les auteurs.
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?