« Notre étude ne remet pas en cause l’utilisation du décubitus ventral * lorsqu'un d’un patient souffre d'un syndrome de détresse respiratoire aiguë sévère (SDRA), insiste le Pr Matthieu Schmidt, réanimateur à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (AP-HP). Une fois que le patient est mis sous ECMO-VV (oxygénation par membrane extracorporelle veino-veineuse), continuer le décubitus ventral n’est pas néfaste, il n'y a pas d’effets secondaires. Mais est-ce qu’il sert à quelque chose ? Ce n’est pas sûr. »
Entre mars et décembre 2021, le Pr Matthieu Schmidt et son chef de service le Pr Alain Combes ont coordonné un essai randomisé sur l'utilisation du décubitus ventral sous ECMO-VV lors d'un SDRA, dans 14 services de réanimation en France. Les résultats de cette étude, nommée Pronecmo, ont été publiés le 1er décembre dans la revue Jama.
Un sevrage équivalent
« Certaines études observationnelles avaient montré des bénéfices en termes d’accélération du sevrage de l'ECMO et même un impact potentiel sur la mortalité », explique le Pr Schmidt, précisant que son service, comme d'autres centres de réanimation, a démocratisé ces dix dernières années l'utilisation du décubitus ventral sous ECMO-VV. Néanmoins, aucune étude randomisée n'avait été menée pour montrer ses bénéfices. « Il était temps de voir s'il y avait un effet pour le malade », s'exclame-t-il.
L’étude Pronecmo a inclus 170 patients, âgés de 18 à 75 ans, présentant un SDRA sévère sous ECMO-VV. Les patients ont été randomisés en deux groupes et positionnés soit en décubitus ventral (avec un minimum de quatre séances de 16 heures), soit en décubitus dorsal. À 60 jours, dans le groupe décubitus ventral, 44,2 % des patients avaient été sevrés avec succès de l'ECMO-VV (ce qui signifie qu'ils étaient encore vivants, sans avoir eu besoin d'une nouvelle assistance et sans avoir été transplantés), comparé à 44 % d’entre eux dans le groupe décubitus dorsal. « Ces premiers résultats montrent qu’il n’y a pas d’effets très probants en termes d’accélération du sevrage », décrit le Pr Matthieu Schmidt. Il nuance néanmoins : il serait « très intéressant de refaire le même protocole d’études dans une population de malades qui ne sont pas atteints du Covid ».
Le rôle de l'épidémie de Covid en question
En effet, l'étude a eu lieu en pleine épidémie de Sars-CoV-2 et 94 % des patients en étaient atteints. « Or, on sait que ces malades ont des durées sous ECMO-VV bien plus longues qu’un malade de même sévérité qui a une pneumonie à pneumocoques, par exemple. Notre intervention avait lieu durant les premiers jours d’ECMO-VV, mais entre la fin des quatre séances jusqu’au sevrage du patient, il pouvait se passer beaucoup de choses telles que des surinfections, des complications… ».
Le Pr Matthieu Schmidt précise également que 86 % des patients ont eu un décubitus ventral avant la mise en place de l'ECMO-VV, comme le préconisent les recommandations. « Il est possible que le décubitus ventral sous ECMO ait moins d’effet quand il a déjà échoué avant », suppose-t-il. Il émet une autre hypothèse : « Quand un malade est sous ECMO, il est ventilé avec des tout petits volumes. Or, pour qu’il y ait un effet du décubitus ventral il faut qu’il y ait du volume dans le poumon ». D'autres études sont en réflexion pour renforcer les connaissances sur ces pratiques.
* Mettre le patient en position ventrale, ce qui permet de diminuer les lésions induites par la ventilation mécanique
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