Nouveaux antiviraux à action directe dans l’hépatite C

Efficacité en vie réelle confirmée

Publié le 17/12/2015
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Seulement 60 % des patients atteints d’hépatite chronique C ont été diagnostiqués.

Seulement 60 % des patients atteints d’hépatite chronique C ont été diagnostiqués.
Crédit photo : PHANIE

Les nouveaux antiviraux à action directe ont changé le visage de l’hépatite C. Ils permettent le plus souvent en seulement 3 mois de traitement, à raison d’une (ou 2) prise per os journalière, bien tolérée, compatible avec une vie normale de guérir l’infection par le VHC et d’éviter la survenue et/ou l’aggravation de la fibrose hépatique ou de la cirrhose. Plus encore, ils permettent à la fibrose de régresser, évitant le risque d’évolution vers le carcinome hépatocellulaire.

Des résultats d’efficacité en vie réelles ont été présentés au 50e congrès de l’association européenne pour l’étude du foie (EASL) à partir des données de 2 cohortes de suivi des patients infectés par le VHC mises en place par l’ANRS en 2013.

HEPATER et CUPILT

La Cohorte HEPATHER inclut 20 000 patients atteints d’hépatite chronique B ou C dont environ 5 000 patients traités à ce jour. L’étude en vie réelle a concerné les 409 malades (78 % atteints de cirrhose, 75 % en échec de traitement) ayant reçu la combinaison sofosbuvir + daclatasvir . « Nous avons choisi de nous focaliser sur ce qui était inconnu, les autres combinaisons, notamment sofosbuvir + siméprévir, ayant très largement été étudiées aux USA », a précisé le Pr Stanislas Pol, hépatologue, Hôpital Cochin, investigateur principal de la cohorte HEPATER en présentant les 1ers résultats : 94 % des patients traités 3 mois par sofosbuvir + daclatasvir ont une charge virale indétectable 4 semaines après arrêt du traitement. Ce taux atteint 100 % en ajoutant la ribavirine, ou en prolongeant le traitement jusqu’à 6 mois. Parmi les non cirrhotiques, 100 % ont une charge virale indétectable à l’issu du traitement quelle que soit sa durée (3 ou 6 mois). Les AAD ont un bon profil de sécurité (9 % d’effets indésirables sérieux, 3 % d’arrêts de traitement).?

« Nous avons la confirmation qu’un traitement de 12 semaines est suffisant pour induire une viro suppression chez la très grande majorité des patients », se réjouit le Pr Pol. La prescription de ribavirine devrait-elle être systématique ? Pour le Pr Pol, « c’est un choix politico-économique. Mon choix est que le plus de patients possible soient traités pendant 12&semaines par sofosbuvir + daclatasvir + ribavirine pour doubler le nombre de patients traités et guéris, avec une même enveloppe de 700 millions d’euros ».

Deux études ont été eéalisées à partir des données de la Cohorte CUPILT (patients transplantés hépatique suite à une infection par le virus de l’hépatite C, l’une chez 130 patients ayant une récidive du VHC après transplantation hépatique (sofosbuvir+daclatasvir), l’autre sur 65 patients au stade F3 ou F4 (sofosbuvir - daclatasvir +/- ribavirine ou sofosbuvir - ribarvirine +/- Peg-IFNa) montrent en vie réelle qu’à l’issue de traitements de 3 à 6 mois, plus de 95 % des patients guérissent de l’infection par le VHC. La réponse des patients infectés par le VHC de génotype 3 atteints de cirrhose est un peu moins bonne (environ 80 %).

Accès aux traitements limités

L’accès aux AAD est actuellement limité aux patients avec fibrose hépatique sévère. Environ 14 000 patients en ont bénéficié en 2014. « Notre objectif est que tous les patients atteints d’hépatite C aient accès à ces traitements pour éradiquer le virus, d’autant que le bénéfice d’un traitement précoce a été démontré : une métaanalyse sur plus de 30 000 patients traités par interféron-ribavirine, montre chez les patients guéris une diminution de l’incidence des cirrhoses et cancers du foie, une réduction du nombre de patients transplantés (et une amélioration de leur survie) », explique le Dr Marc Bourlière.

En France environ 60 % des patients atteints d’hépatite chronique C ont été diagnostiqués. De gros efforts restent à faire pour repérer les 40 % restants. « Notre objectif est que les AAD soient recommandés à terme à tous les patients. Il est prévu que le prix des AAD baisse en fonction du volume prescrit. La plupart des patients avec fibrose sévère ont été traités et sont guéris. Traiter les patients avec fibrose modérée n’induirait pas une explosion du nombre de prescriptions », insiste le Dr Bourlière. Un point lui semble essentiel : « Les patients doivent impérativement être sensibilisés au fait que les AAD sont très coûteux et qu’ils doivent être pris tous les jours pendant 12 semaines, pour être efficaces. Un seul oubli peut induire échappement et apparition de résistance : il n’est pas question que les patients prennent leur traitement de façon aléatoire. »

L’AFEF s’engage pour une éradication en 10 ans

En plus des indications 2014 (rapport du Pr Daniel Dhumeaux), reprises par la Haute autorité de santé (HAS), l’AFEF préconise dans ses recommandations 2015 de renforcer l’éducation thérapeutique et d’élargir les indications de traitement aux patients : avec fibrose modérée, sévère ou une cirrhose ; quelle que soit la sévérité de la fibrose, en cas d’infection par le VHC de génotype 3, de co-infection (par VIH ou VHB), de manifestation extra-hépatique significative, de fatigue invalidante, de transplantation ; et en priorité ceux les plus susceptibles de transmettre le VHC : homosexuels masculins avec pratiques sexuelles à risque, femme avec projet parental, professionnels de santé, hémodialysés, patients incarcérés et usagers de drogues.

Environ 100 000 à 150 000 personnes attendent depuis des années un traitement. « Il est aujourd’hui possible d’éradiquer l’infection à VHC. Les nouveaux AAD présentent un intérêt majeur pour la santé publique. Ministère de la Santé et laboratoires pharmaceutiques doivent continuer à négocier pour fixer des prix raisonnables permettant de traiter tous les patients ! » revendique haut et fort le Pr Victor de Lédinghen, CHU de Bordeaux, secrétaire général de l’AFEF.

Dr Sophie Parienté

Source : Le Quotidien du Médecin: 9459