Le bon usage des anti-infectieux reste au cœur de nos préoccupations. Après les travaux de la Task Force coordonnée par Jean Carlet, nous sommes tous en attente de la mise en place de mesures visant à favoriser leur bon usage.
Des mesures en attente sur le bon usage des anti-infectieux
Des propositions ont été faites à la ministre de la Santé. Certaines ont été suivies. Un délégué ministériel à l’antibiorésistance a été nommé. Les agences régionales de santé (ARS) ont été chargées de mettre en place le bon usage au niveau régional et plusieurs projets sont en cours même si la réforme territoriale a probablement induit une certaine lenteur. Cependant, force est de constater que si les besoins en moyens humains ont été évalués avec précision dans le rapport rendu à la ministre, leur déploiement n’a pas été retenu comme une priorité au niveau national. Face à des décisions politiques qui parfois tardent à se concrétiser, il nous faut poursuivre notre combat pour le bon usage des anti-infectieux. Au niveau hospitalier, dans le contexte que nous connaissons, il nous appartient d’inventer de nouveaux modèles de collaboration pour que les référents en antibiothérapie, en particulier dans les petits établissements, puissent travailler en réseau et mutualiser les moyens. Les groupements hospitaliers de territoire (GHT) devraient être une opportunité pour favoriser cette évolution. En ville, le développement du conseil en antibiothérapie et plus généralement en infectiologie doit être un objectif prioritaire. Un décret limitant la durée des prescriptions d’antibiotiques en médecine de ville est en attente. Souhaitons que cette attente ne soit pas vaine.
Antibiothérapie : faire face à la pénurie
Les choses bougent dans le domaine des antibiotiques mais pas toujours dans le sens auquel nous avons été habitués. Nous sommes désormais confrontés à des situations de pénurie qui touchent de plus en plus de molécules. L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) nous sollicite régulièrement et nous essayons de proposer des alternatives de façon aussi rapide et adaptée que possible. Les vieux antibiotiques souvent oubliés et délaissés, font parfois leur retour alors que certains nouveaux arrivent quand même sur le marché.
Le bon usage c’est bien entendu de choisir la bonne molécule pour la bonne indication mais également la bonne durée. Les propositions concernant les durées des traitements faites par la société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF) vont dans ce sens.
Inciter à la vaccination dans un contexte de pénurie
La prévention est un autre pilier de notre activité. Pour répondre à la défiance de la population vis-à-vis de la vaccination, une concertation citoyenne a été mise en place en 2016. Les conclusions du jury constitué de professionnels issus de divers milieux et de citoyens et présidé par le Pr Alain Fisher, ont été rendues publiques. La SPILF a été associée à cette réflexion et je remercie ceux et celles qui se sont impliqués pour que la vaccination retrouve au plus vite sa place dans la prise en charge des maladies infectieuses. La notion de maintien, extension ou suppression des obligations vaccinales a fait l’objet d’un débat très riche. Dans le contexte actuel, la SPILF, en association avec de nombreuses sociétés et associations, a pris position pour soutenir l’extension des obligations vaccinales. Parallèlement, les professionnels de santé ont à faire face à la pénurie pour certains vaccins. Il nous est difficile de comprendre les motifs qui engendrent ces situations de crise et le manque d’anticipation. Communiquer sur les pénuries de vaccins, et fournir dans le même temps des arguments audibles pour promouvoir la vaccination reste un challenge pour les cliniciens.
Un plan national pour lutter contre les maladies transmissibles par tiques
Un autre sujet a occupé l’espace médiatique, il s’agit de la maladie de Lyme. En septembre 2016, un plan national de lutte contre les maladies transmissibles par les tiques a été présenté par la ministre de la Santé. Ce plan comprend 5 axes stratégiques dont un visant à l’amélioration et l’uniformisation de la prise en charge des patients. La SPILF participe et coordonne le protocole national de diagnostic et de soins (PNDS), mis en place en collaboration avec la Haute Autorité de santé (HAS). L’objectif de ce PNDS est de répondre aux questions que se posent de façon très légitime les professionnels et les patients. Nous souhaitons que ces travaux soient menés dans un climat serein et constructif. A ce jour nous n’avons pas identifié de données nous incitant à remettre en cause les recommandations de la conférence de consensus de 2006 et nous pensons préférable de les maintenir afin de ne pas laisser démunis nos collègues, en particulier les médecins généralistes, qui se trouvent en première ligne face à des patients inquiets et demandeurs d’une prise en charge adaptée. Toutefois, si les données de la littérature scientifique et les conclusions du PNDS conduisent à remettre en cause ces propositions, la conférence de consensus de 2006 sera actualisée.
Différents défis à relever
L’actualité c’est également la labellisation des centres de prise en charge des infections ostéoarticulaires complexes dans le nouveau contexte territorial, l’hépatite C dont la prise en charge évolue pour obtenir la guérison de tous les patients et avec un peu d’optimisme l’éradication de la maladie, c’est encore et toujours l’infection par le VIH avec les évolutions que nous observons dans le domaine de la prévention (développement de la Prep) mais aussi dans les stratégies thérapeutiques avec des propositions d’allégement et de simplification. L'avenir de la spécialité s'articule également autour de la mise en place du développement professionnel continu (DPC) dont nous parlons depuis si longtemps, des nouvelles recommandations concernant la prise en charge du paludisme, de la pathologie des migrants et des défis qui se présentent et que nous devons relever.
Responsable du service des maladies infectieuses, CHU Poitiers
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