Selon trois études publiées par trois équipes indépendantes, la piste de la co-infection par un adénovirus HAdV, possiblement un herpèsvirus, et un virus adéno-associé de type 2 (AAV2) serait la plus vraisemblable pour expliquer les cas d'hépatites pédiatriques d'origine inconnue qui ont défrayé la chronique au printemps de 2022.
Les hépatites liées aux adénovirus sont connues, mais rares et généralement circonscrites aux patients atteints de déficits immunitaires sévères. Or, il a été dénombré 1 000 cas d'hépatite sévère rapportés chez les enfants non immunodéprimés aux États-Unis et en Europe (principalement au Royaume-Uni), dont 7,3 % ont nécessité une transplantation hépatique.
Alors que les précédentes études avaient été menées en recherchant des séquences spécifiques des HAdV, ces trois nouvelles études rétrospectives ont la particularité de se baser sur la métagénomique clinique. Cette dernière consiste à séquencer tous les acides nucléiques présents dans un prélèvement pour y rechercher l'ensemble des virus.
Des AAV2 beaucoup plus fréquents chez les malades
Les trois études parviennent aux mêmes conclusions : le virus adéno-associé AAV2 est plus fréquent chez les malades que dans les groupes contrôles. Le premier article est l'œuvre des équipes du conseil de recherche médicale et de l'université de Glasgow. Ces derniers ont travaillé à partir des prélèvements de 32 malades et de 74 enfants sains. Du génome d'AAV2 était détectable chez 81 % des enfants atteints d'hépatite et chez 7 % des enfants du groupe contrôle. Par ailleurs, les auteurs rapportent également avoir retrouvé un gène de prédisposition aux maladies auto-immunes chez 93 % des enfants atteints d'hépatite.
Selon les biopsies hépatiques de cinq malades, l'infection par un AAV2 se caractérise par un gonflement des hépatocytes et un recrutement local de lymphocytes T, ce qui suggère un rôle des AAV2 dans l'hépatite aiguë et possiblement une composante auto-immune.
La deuxième étude, menée dans l'ensemble du Royaume-Uni, a permis de détecter de hauts niveaux d'AAV2 chez 27 des 28 enfants atteints d'hépatite aiguë et des niveaux beaucoup plus faibles chez les 77 enfants contrôles, dont 21 immunodéprimés. Une analyse histologique, protéomique et génomique n'a pas mis en évidence une hépatotoxicité directement liée à l'infection par l'AAV2. Mais la présence conjointe d'HAdV et d'herpèsvirus humain 6 (HHV6) incite les chercheurs à supposer que la co-infection est à l'origine des dommages hépatocytaires, en favorisant la reproduction des AAV2.
Dans le troisième papier, ce sont des enfants vivant aux États-Unis qui ont été recrutés. Les conclusions sont similaires à celles des deux premiers : une infection par AAV2 a été retrouvée chez 13 des 14 malades, contre 4 des 113 contrôles. Une co-infection était retrouvée dans la plupart des cas par un virus Epstein-Barr ou un HHV-6. Souvent, il s'agissait même d'une triple infection.
Que de mystères !
Ces résultats soulèvent autant de nouvelles questions qu'ils ne répondent aux premières. En premier lieu parce que, dans chacune des études, les chercheurs ont identifié de nombreuses souches différentes de HAdV, y compris chez des enfants vivant dans la même région. Une seule souche ne peut donc pas expliquer à elle seule cette épidémie globale d'hépatites sévères. De plus, habituellement, les hépatites adéno-induites se caractérisent par l'inclusion de structures virales au niveau des noyaux des cellules infectées (il s'agit de virus à ADN qui ont besoin des protéines du noyau pour se répliquer), mais cela n'a pas été observé chez les enfants atteints, ce qui laisse planer un doute.
Pour la suite, les chercheurs appellent de leurs vœux la mise en place d'études immunologiques approfondies et des travaux sur l'hépatotoxicité directe des AAV2. Enfin, ils estiment que le Covid-19 ne peut pas être totalement écarté de la liste des facteurs contributeurs à cette épidémie d'hépatite d'étiologie inexpliquée. Les enfants des différents groupes se sont souvent plaints de symptômes gastro-intestinaux, ce qui pourrait signer la présence de Sars-CoV-2, qui aurait pu servir de déclencheur à une puissante réponse immunitaire contre les adénovirus et les virus adéno-associés.
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