Mise à jour, le 23 août 2024
Cette étude a été rétractée par l'éditeur, pour deux raisons méthodologiques, la première liée à la fiabilité et au choix des données : « l’ensemble des données belges, en particulier, a été jugé peu fiable, car basé sur des estimations », lit-on. En outre, l’hypothèse selon laquelle tous les patients pris en charge recevaient le même traitement pharmacologique est erronée, considère l'éditeur, estimant par conséquent que les conclusions de l'article ne sont pas fiables.
Molécule miracle selon ses promoteurs, l’hydroxychloroquine (HCQ) s’est rapidement révélée inefficace dans la lutte contre le Covid, mais l’utilisation du médicament a aussi été mortelle, notamment en raison de complications cardiaques. Une étude estime que l’usage compassionnel du traitement pendant la première vague de la pandémie de Covid a provoqué près de 17 000 décès chez des patients hospitalisés dans six pays (Belgique, France, Turquie, États-Unis, Italie et Espagne). En France, l’estimation de la mortalité hospitalière attribuable à l'utilisation de l'HCQ s’élève à 199 décès entre mars et juin 2020.
Cette étude, publiée dans Biomedicine and Pharmacotherapy, est la première d’une série de travaux statistiques à venir sur l’ensemble des traitements dits compassionnels prescrits dans les premiers mois de la pandémie. L’ambition de ce « retour d’expérience » sur les traitements proposés « sans un niveau de preuves étayant leur efficacité et leur sécurité dans cette indication » est d’évaluer si la stratégie d’accès aux candidats médicaments, appliquée par plusieurs pays, était « opérante ou non », explique le Pr Jean-Christophe Lega, PU-PH en rhumatologie et pharmacotoxicologie aux Hospices Civils de Lyon et dernier auteur de l’étude.
Des taux de prescription très variables selon les pays
Pour évaluer l’hydroxychloroquine, les chercheurs se sont appuyés sur le taux de mortalité, l'exposition à l'HCQ, le nombre de patients hospitalisés et le risque relatif accru de décès avec l'HCQ (11 % selon une méta-analyse de 14 études, publiée dans Nature Communications). Il en ressort d’abord de grandes variations dans les taux de prescription d’HCQ d’un pays à l’autre : de 16 % en France à 84 % en Espagne.
« Étonnés » de ce résultat, les auteurs n’ont pas identifié de facteur explicatif. Mais les variations se jouent à l’échelle des hôpitaux : « chaque service a choisi de prescrire certaines molécules », avance le Pr Lega. Une étude française menée par questionnaire auprès des prescripteurs a aussi mis en évidence des « variations importantes, notamment liées à l’habitude de prescrire ce médicament dans les indications prévues par l’autorisation de mise sur le marché (AMM) », poursuit-il. Certains prescripteurs avaient « à tort le sentiment que ce médicament était dénué d’effets indésirables », ajoute-t-il.
Des pistes pour affronter un virus émergent
Au total, les estimations médianes de l’utilisation de l’HCQ dans chaque pays permettent d’estimer que 16 990 décès à l’hôpital liés à l’HCQ sont survenus dans les pays étudiés : 240 en Belgique, 95 en Turquie, 199 en France, 1 822 en Italie, 1 895 en Espagne et 12 739 aux États-Unis. Ces estimations ne prennent pas en compte l’utilisation qui a pu être faite en ville du médicament. Elles pourraient ainsi sous-estimer la mortalité globale associée à l’HCQ.
De ces résultats, les auteurs tirent des préconisations pour la recherche de thérapeutiques face à un virus émergent. Première piste d’amélioration des pratiques : la mise en œuvre de plans de développement des candidats médicaments pour réguler l’accès aux médicaments à but compassionnel. « C’est ce qu’ont fait les Britanniques avec une régulation revenant quasiment à une interdiction et la conduite d’essais randomisés contrôlés », souligne le Pr Lega. En parallèle, la création d’une plateforme nationale, voire internationale, permettrait « de produire des résultats de très haut niveau de preuves dans le cadre d’essais randomisés contrôlés », poursuit-il
Le Pr Lega encourage par ailleurs d’appliquer le principe primum non nocere et à ne pas prescrire en cas d’incertitudes : « il y a toujours un biais de sous-estimation des risques lors d’une prescription », rappelle-t-il. Il est aussi nécessaire de « prendre garde aux extrapolations » : « les résultats produits sur des modèles cellulaires ou animaux ne sont pas extrapolables à des prescriptions en vie réelle dans un contexte de maladie inconnue. Une erreur a sans doute été de sous-estimer l’incertitude et les risques de ces extrapolations », avance-t-il.
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