« À l’horizon 2050, le nombre de décès par sepsis risque de tripler du fait du vieillissement de la population », prédit le Pr Djillali Annane (service de médecine intensive-réanimation à l’hôpital Raymond-Poincaré, AP-HP) directeur du tout nouvel institut hospitalo-universitaire (IHU) Prometheus consacré au sepsis, et co-signataire avec le consortium Sepsis Stronger Together d’un appel pour un plan d'action européen. Publiée dans le Lancet (1), cette tribune à l’initiative de survivants de sepsis exhorte à réduire le fardeau global qu’il représente et à harmoniser les pratiques européennes sur le niveau de celles des pays du Nord, plus avancés. Selon l'Organisation mondiale de la santé en 2020, le sepsis touchait environ 50 millions de personnes chaque année dans le monde, pour 11 millions de décès, dont 600 000 en Europe
La définition du sepsis reste souvent mal connue par les professionnels de premier recours, comme la Direction générale de la santé le rappelait lors de la pandémie de Covid, citant un rapport de 2019 du Pr Djillali Annane. Les symptômes devant alerter sont la baisse de la pression artérielle systolique en dessous de 100 mmHg, l'augmentation de la fréquence respiratoire au-dessus de 22 cycles par minute et un état d’obnubilation ou de confusion. Quand au moins deux de ces trois critères existent chez un patient avec une infection, il peut être considéré à très haut risque de développer un sepsis. Il convient alors de joindre rapidement le Samu.
« Les médecins généralistes ont l'impression que le sepsis est un problème de réanimateur, ce qui est faux : 80 % des sepsis commencent en ville », affirme le Pr Annane, qui insiste sur la nécessité de former ses confrères de ville aux symptômes et aux premiers signes devant inciter à prendre en charge le patient avant que la pathologie ne soit trop avancée. La Haute Autorité de santé doit d'ailleurs publier avant la fin de l'année des recommandations sur le diagnostic et la prise en charge du sepsis par les médecins de premier recours.
Une prévalence qui augmente en France
En 2022, Fanny Pandolfi et ses collègues de l’Institut Pasteur ont décrit la situation épidémiologique en France à partir des données du PMSI (2). Ils concluaient que la prévalence avait augmenté entre 2015 et 2019, passant de 357 à 403 cas pour 100 000 habitants. Dans la plupart des cas, l'infection avait été contractée en dehors de l'hôpital, et la mortalité était de 25 %, un chiffre qui a ensuite bondi avec l’épidémie de Covid-19.
Toute l'Europe n'est pas au même point : « les Anglais ont cinq à dix ans d'avance sur nous, les Suédois et les Allemands ont aussi mis en place des mesures qui commencent à influencer favorablement les choses », explique le Pr Annane. Ces initiatives nationales restent cloisonnées, les pays du sud et de l'est de l'Europe étant, au contraire, très en retard. Les campagnes de communication nationales ont porté leurs fruits au Royaume-Uni. Selon des sondages micro-trottoir, 95 % des Britanniques savent ce qu'est un sepsis, contre 7 % des Français.
Le vaccin contre E. coli est un fabuleux espoir contre le sepsis
Pr Djillali Annane, médecine intensive-réanimation hôpital Raymond-Poincaré, Garches
Dans 85 % des cas, le sepsis est lié à l’une de ces cinq bactéries : Escherichia coli, Klebsiella pneumoniae, Pseudomonas aeruginosa, Staphylococcus aureus et Streptococcus pneumoniae. Une vaccination est possible contre le pneumocoque responsable, avec le méningocoque, de la majorité des sepsis de l'enfant de moins de cinq ans qui représentent 40 % des cas de sepsis dans le monde.
En outre, un vaccin contre Escherichia coli devrait être prochainement disponible. « Ce vaccin est un fabuleux espoir », analyse le Pr Annane. Beaucoup de sepsis évitables sont liés à la grippe saisonnière et au VRS. « Il faut une meilleure connaissance du sepsis et du poids qu'il représente par la population, poursuit le spécialiste. Cela incitera les gens à davantage se vacciner. »
Parmi les handicaps consécutifs à un sepsis, les plus fréquents sont les troubles cognitifs sévères, les atteintes musculosquelettiques, les paralysies et les troubles respiratoires. On retrouve aussi l’insuffisance rénale avec mise sous dialyse. « Les recommandations à paraître disposent d'un volet sur les programmes de réhabilitation précoces structurés qui permettraient de réduire ces séquelles en durée et en intensité », précise le Pr Annane.
À l'IHU Prometheus, plusieurs outils de recherche sur le sepsis sont en cours de développement : une cohorte de 10 000 enfants et adultes prévue pour une durée de dix ans, avec un suivi multidimensionnel (scolarisation, microbiote, état dysimmunitaire au long cours, cancer etc.), une plateforme de biomarqueurs à réponse rapide utilisable au chevet du patient et un jumeau numérique de l’infection. « Notre ambition est de réduire de moitié la morbimortalité du sepsis dans les dix ans à venir », déclare le Pr Annane.
(1) K. Bracke et al., The Lancet, volume 404, n° 10462 p1517-1518, octobre 2024
(2) F. Pandolfi et al., BMJ Open, mai 2022, doi:10.1136/bmjopen-2021-058205
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