Maladie génétique la plus répandue dans le monde, et, sous sa forme homozygote, une des maladies génétiques les plus mortelles (2) et la plus répandue dans la région africaine (3), la drépanocytose a été reconnue lors de l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies de 2008 comme une priorité de santé publique.
Chaque année, environ 300 000 enfants naissent avec une anomalie majeure de l’hémoglobine, dont plus de 200 000 nouveaux cas de drépanocytose circonscrits à l’Afrique Subsaharienne (2). La distribution de la maladie est notamment conditionnée par l’endémicité du paludisme (4) : la fréquence du gène HbS dépasserait ainsi les 20 % dans certains pays comme le Nigéria (5) où environ 150 000 enfants naissent chaque année avec la maladie (2). En 2015, on estimait à environ 4,4 millions le nombre total de personnes atteintes de la drépanocytose (6).
Le taux de mortalité avant 5 ans des enfants drépanocytaires pourrait atteindre les 90 % dans certaines zones rurales, et s’approcher des 50 % en zone urbaine en l’absence de suivi adéquat (7), particulièrement en raison d’une sensibilité accrue aux infections (8)(notamment pneumococciques) et d’une anémie aggravée par d’éventuels accès palustres (9).
La croissance démographique importante, des régions où la drépanocytose est fréquente (les migrations mondiales croissantes ayant introduit la maladie dans de nombreuses régions où elles n’étaient pas à l’origine endémiques (10), favorise la forte augmentation du nombre de drépanocytaires dans les années à venir. Cette situation souligne l’urgence d’adopter des mesures en réponse à cette problématique de santé publique (11).
En améliorant l’accès au diagnostic et au traitement grâce à une intégration de la maladie dans les programmes de santé mondiale, la lutte contre la drépanocytose participerait à l’atteinte de l’Objectif de Développement Durable (3) (2) des Nations-Unies : « D’ici à 2030, éliminer les décès évitables de nouveau-nés et d’enfants de moins de 5 ans, tous les pays devant chercher à ramener la mortalité néonatale à 12 pour 1 000 naissances vivantes au plus et la mortalité des enfants de moins de 5 ans à 25 pour 1 000 naissances vivantes au plus. ».
Un appel à la mobilisation
La Fondation Pierre Fabre, qui accompagne la mise en œuvre de politiques publiques dans la lutte contre la drépanocytose depuis plus d’une dizaine d’années, a lancé le 26 mars 2019 à Paris l’« Initiative Drépanocytose Afrique ». Les Ministres de la Santé de Centrafrique et du Nigéria, l’Ambassadeur du Kenya auprès des Nations Unies à Genève, les représentants des Ministres de la Santé du Togo, du Burkina Faso et du Burundi et 14 experts de 11 pays africains et de l’Océan Indien (Burkina Faso, Burundi, Cameroun, Centrafrique, Kenya, Madagascar, Mali, Nigéria, République Démocratique du Congo, Sénégal et Togo) se sont réunis et ont adopté la déclaration commune suivante :
« Première maladie génétique au monde qui affecte très majoritairement les pays d’Afrique sub-saharienne, la drépanocytose a été reconnue par les Nations Unies comme priorité de santé publique en 2008. Cependant, l’absence de financements dédiés n’a pas permis de répondre aux besoins élémentaires de la population touchée par cette pathologie.
Après avoir échangé sur les principales avancées et difficultés rencontrées dans la lutte contre la drépanocytose pays par pays, l’ensemble des membres participants à "Initiative Drépanocytose Afrique interpellent la communauté internationale pour que soient prises en compte les urgences suivantes :
- Promotion de la lutte contre la drépanocytose et inscription de son financement à l’agenda mondial de la santé.
- Nécessité de mettre en place un dépistage néonatal ou précoce systématique dans des cadres légaux et nationaux.
- Intégration du dépistage et de la prise en charge de la drépanocytose à tous les niveaux de la pyramide sanitaire.
- Lancement d’une "Initiative médicament " pour développer l’accès équitable aux médicaments essentiels de prévention et de prise en charge des complications.
- Généralisation de la formation des professionnels de santé au diagnostic, à la prise en charge médicale et à l’accompagnement psycho-social.
- Coordination nationale, panafricaine et internationale des Politiques et des Plans stratégiques de lutte contre la drépanocytose.
Par ce plaidoyer, Ies représentants des onze pays présents et la Fondation Pierre Fabre alertent les autorités internationales en Santé mondiale sur l’urgence d’agir en faveur des millions de malades drépanocytaires et de leurs familles ».
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(1) Maladie de l’hémoglobine (qui sert à transporter l’oxygène à travers le corps), elle se manifeste par une anémie, une sensibilité aux infections, des crises très douloureuses causées par une mauvaise circulation sanguine et par le manque d’oxygénation des tissus (surtout des os), des crises vaso-occlusives à l’origine de complications majeures comme les accidents vasculaires cérébraux, le syndrome thoracique aigu et l’ostéonécrose.
(2) Assemblée générale des Nations unies 22/12/2008. A/63/L.63
(3) Cook GC, Zumla AI (eds). Manson’s tropical diseases, 21st edition. London, WL Saunders, 2003
(4) Piel FB et al. Global distribution of the sickle cell gene and geographical confirmation of the malaria hypothesis. Nature Communications. 2010 ; 1 : 104.
(5) OMS. Management of haemoglobin disorders : report of joint WHO-TIF Meeting. 2007. Document disponible à l’adresse who.int (page consultée le 12/04/2019).
(6) GBD 2015 Disease and Injury Incidence and Prevalence Collaborators, « Global, regional, and national incidence, prevalence, and years lived with disability for 310 diseases and injuries, 1990–2015: a systematic analysis for the Global Burden of Disease Study 2015 », The Lancet, vol. 388, no 10053, 8-14 octobre 2016, p. 1545-1602 (PMCID 5055577, DOI 10.1016/S0140-6736(16)31678-6)
(7) Grosse SD et al. Sickle cell disease in Africa: a neglected cause of early childhood mortality. Am J Prev Med. 2011. 41(6) : 398–405.
(8) Labie D et Elion J. Chez les drépanocytaires, le pneumocoque se joue de la prévention et s’adapte à la maladie. Med Sci. 2014 ; 30(11) : 946–948.
(9) Luzzato L. Sickle Cell Anaemia and Malaria. Mediterr J Hematol Infect Dis. 2012 ; 4(1)
(10) OMS. Thalassémie et autres hémoglobinopathies. Rapport du secrétariat. 11 mai 2006 : EB118/5.
(11) Piel FB et al. Global burden of sickle cell anaemia in children under five, 2010-2050: modelling based on demographics, excess mortality, and interventions. PLoS Med. 2013 ; 10(7).
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