Alors que le cyclone Uesi s'apprêtait à arriver sur le nord de la Nouvelle-Calédonie, une équipe de l’Institut Pasteur de Nouméa s’est rendue à Touho, une commune en alerte 1. Les fortes précipitations vont leur permettre d’échantillonner et d’analyser les eaux de ruissellement sur le bassin versant de la rivière Thiem, afin d’indiquer si elles contiennent des leptospires, bactéries responsables de la leptospirose.
Cette maladie bactérienne qui touche l’ensemble de la planète est transmise par l’urine de certains mammifères. L’étude de terrain à Touho est une des premières menées dans le cadre du projet SpiRAL : Sols, pluie et leptospirose, lancé en janvier dernier pour une durée de trois ans. Ce projet est le fruit de la collaboration avec l’Institut Pasteur de Paris, l’Institut de recherche pour le développement, et l'université de la Nouvelle-Calédonie, avec le soutien financier de l’Agence nationale de recherche. Il se propose d’étudier les facteurs environnementaux qui favorisent la survie de ces bactéries dans les sols.
L’équipe s'est rendue à Touho le 10 février dernier afin de vérifier s’il y a corrélation entre les matières en suspension dans les échantillons recueillis et les leptospires. En effet, selon les observations, les personnes malades ont principalement été contaminées lors d’une activité récréative en eau douce, associée à une forte pluie, et pas forcément par le contact avec des mammifères porteurs de ces bactéries. « Nous souhaitons, en caractérisant les sols qui permettent ou non la survie des leptospires et en étudiant comment elles se retrouvent en suspension dans les eaux de baignade, mettre au point une cartographie du risque de leptospirose, indique Cyrille Goarant, responsable de l’unité de recherche et d’expertise sur la leptospirose à l’Institut Pasteur de Nouméa. La recherche s’est beaucoup intéressée aux réservoirs animaux, mais peu à la composante environnementale. »
Une maladie sous-estimée en France
Bien qu’en faible nombre, des décès liés à la leptospirose sont recensés tous les ans en Nouvelle-Calédonie : en 2019, sur 65 cas, deux personnes sont décédées. « Les antibiotiques fonctionnent très bien lorsque le malade est pris en charge rapidement. Mais, au bout de quelques jours, la maladie peut se propager dans les organes et le traitement n’est plus aussi efficace. Les symptômes sont proches d’une dengue ou d’une grippe ce qui explique qu’aujourd’hui que certaines personnes ne se rendent pas dans les dispensaires immédiatement », explique Cyrille Goarant. Le projet SpiRAL devrait permettre d’orienter les campagnes de prévention, déjà renforcées lors des périodes de fortes pluies, entre février et mai, où le nombre de cas est le plus important.
Les résultats du projet pourront également être extrapolés en France métropolitaine où chaque année environ 600 cas sont diagnostiqués. « Les gens sont très peu sensibilisés en France et dans l’ensemble des pays européens, à l’exception de groupes à risque comme les kayakistes. On passe sûrement à côté d’un grand nombre de cas », déplore Mathieu Picardeau, responsable du Centre national de référence de la leptospirose et de l’unité de biologie des spirochètes à l’Institut Pasteur de Paris. Même si l’incidence est 10 à 100 fois plus élevée dans les régions tropicales, la leptospirose ne doit pas pour autant être négligée dans les pays tempérés. En effet, depuis 2014, le nombre de cas en France, et dans les autres pays européens, a été multiplié par deux. « Il y aurait plusieurs facteurs, précise Mathieu Picardeau. Non seulement des diagnostics plus nombreux mais aussi une augmentation des activités à risque et des conditions climatiques plus favorables avec les hivers plus doux (les rongeurs sont alors plus actifs) et plus de pluie dans certaines régions. »
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