Si l'anosmie est un symptôme fréquent au cours du Covid-19, l'encéphalite est très rare. Des chercheurs américains ont montré comment le système immunitaire au niveau du bulbe olfactif est une ligne de défense pour le cerveau.
« Nous sommes constamment exposés à des virus en suspension dans l’air, toutefois il est rare que ces infections virales mènent à des affections neurologiques. Cela signifie que le système immunitaire est remarquablement apte à protéger le cerveau, explique dans un communiqué le Pr Dorian McGavern, chercheur aux Instituts nationaux de la santé américains (NIH) dans la branche neurologie (National Institute of Neurological Disorders and Stroke, NINDS) qui a dirigé une étude publiée dans la revue « Science Immunology ». Nous souhaitions comprendre quelles sont les réponses immunitaires qui se développent à l’interface entre les terminaisons des neurones olfactifs nasaux dans le bulbe olfactif et le reste du cerveau ».
L’épithélium olfactif tapissant le sommet des deux fosses nasales héberge les neurones récepteurs sensoriels. Ces neurones olfactifs, qui captent les molécules odorantes grâce à une extension apicale coiffée de cils et de récepteurs, transmettent cette information au cerveau via un prolongement, axonal, qui traverse la lame criblée de l'ethmoïde pour se terminer dans le bulbe olfactif ipsilatéral du cerveau (premier relais).
Certains virus infectant les voies respiratoires peuvent également infecter les neurones olfactifs et emprunter cette voie pour pénétrer dans le cerveau, éludant ainsi les barrières protectrices comme la barrière hémato-encéphalique. Ces virus, parmi lesquels le virus de la stomatite vésiculaire, le virus herpes simplex, le virus influenza (souche H5N1) et le nouveau coronavirus, sont toutefois rarement à l’origine d’une encéphalite.
La microglie entraîne une réponse cytokinique
Pour mieux comprendre ces mécanismes immunitaires mis en jeu, l’équipe a étudié l’infection nasale de la souris par le virus de la stomatite vésiculaire (VSV), un virus cytopathique infectant les neurones olfactifs mais dont la propagation est arrêtée le plus souvent dans le bulbe olfactif (couche glomérulaire). Toutefois, il peut parfois provoquer une encéphalite fatale.
Chez la souris, l'infection nasale par le VSV induit une forte réponse lymphocytaire dans l’épithélium olfactif, puis le virus infecte les neurones olfactifs et migre dans le bulbe olfactif. Grâce à une technique d’imagerie avancée, les chercheurs ont pu constater que des lymphocytes T CD8 + éradiquent l’infection virale des neurones dans le bulbe olfactif sans porter atteinte aux neurones (non-cytolytique) et contiennent ainsi l’infection dans le glomérule et les couches plus profondes du bulbe olfactif.
Des expériences supplémentaires ont montré le rôle clé inattendu de la microglie pour contrôler l’infection virale. Ces cellules immunitaires innées du cerveau sont des macrophages pouvant phagocyter les débris cellulaires. Les chercheurs ont constaté que dans le bulbe olfactif infecté, la microglie non infectée capte des débris de neurones olfactifs infectés. Ces cellules présentent ensuite les antigènes viraux aux lymphocytes T CD8 + qui déploient alors une activité antivirale neuroprotectrice à l’aide de cytokines (IFN gamma et TNF-alpha). Lorsque cette défense innée est perturbée chez la souris (déplétion de la microglie), l’infection nasale par le VSV provoque alors une encéphalite fatale.
Préserver le cerveau à tout prix
« Le système immunitaire a développé des stratégies pour favoriser la préservation des neurones à tout prix », explique le Pr McGavern. La microglie est une population cellulaire renouvelable, tandis que la plupart des neurones ne le sont pas. « Nous partons du postulat que le système nerveux central est conçu pour minimiser l’engagement direct des neurones infectés par les lymphocytes T cytotoxiques et favorise la libération de cytokines antivirales non-cytolytiques grâce à des interactions avec des intermédiaires présentant des antigènes, notent les auteurs. La microglie à proximité des neurones est donc le candidat idéal ». Vu l’importance de la microglie pour stimuler la réponse antivirale protectrice du cerveau, tout facteur pouvant entraîner la diminution de la microglie, ou la baisse de sa fonction, pourrait accroître le risque d’infection virale du système nerveux central.
Cette étude résonne particulièrement dans le contexte du Covid-19. « L'un des symptômes de l'infection par le nouveau coronavirus est la perte de l’odorat et du goût chez de nombreuses personnes. Cela suggère que le virus n'est pas seulement un pathogène respiratoire mais qu’il peut cibler ou perturber également les neurones sensoriels olfactifs », note le Pr McGavern. La réponse immunitaire décrite ici ne protège pas les neurones sensoriels olfactifs ni le sens de l'odorat. « Ce n'est pas nécessairement un problème à long terme, poursuit-il, car ces neurones sensoriels peuvent être remplacés une fois l’infection virale traitée. L’essentiel est de protéger le cerveau et le système nerveux central de l'encéphalite ou de la méningite. Notre sens de l'odorat peut souvent être réparé au fil du temps ».
E. Moseman et al., Science Immunology, 2020, 10.1126/sciimmunol.abb1817
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