La petite histoire
Au milieu de la Seconde Guerre mondiale, le Dr Giuseppe Brotzu, un hygiéniste italien, est envoyé en Sardaigne pour travailler sur le paludisme, qui à cette époque est endémique sur cette île. Il a aussi pour mission de suivre l’évolution de l’épidémie de fièvre typhoïde (due à Salmonella typhi) dans la région de Cagliari, une pathologie résistante à la pénicilline G découverte par Alexander Flemming en 1928.
Avec son chef de service, le Pr Donato Ottolenghi, il s’interroge sur la différence d’incidence de l’infection selon des quartiers de la ville. En effet, il semble que la maladie n’est pas répartie de façon homogène et que les pêcheurs, qui pourtant sont en contact avec les eaux contaminées, ne sont pas tous atteints. Il imagine que le pathogène n’est plus actif lorsqu’il est dilué dans l’eau de mer.
Pour définir le degré de dilution nécessaire, il effectue des prélèvements au sein des rivières, des évacuations d’eaux usées et de différents points de la côte environnante.
Il est surpris par l’existence de « taches vierges » dans certaines des boîtes de Petri : mise en contact avec certains prélèvements, la bactérie ne se multiplie pas. Cette constatation l’incite à rechercher la présence d’éléments particuliers dans l’eau. C’est ainsi qu’il découvre une moisissure aquatique qui sécréte une substance antibiotique active sur le bacille typhique : la « mycétine » renommée plus tard céphalosporine C lorsque le micro-organisme sera classifié Cephalosporium acremonium. Le spectre d’activité se révèle différent et complémentaire de celui de la pénicilline.
Pour prouver l’efficacité de cette substance – et comme c’est habituel à l’époque –, il s'auto-inocule Salmonella thyphi et en est guéri grâce à la « mycétine ». Entre 1943 et 1945, il recherche des financements pour produire l’antibiotique qu’il a découvert, mais la période est difficile pour les chercheurs en Italie.
Et après ?
Lorsque les forces britanniques d’occupation ont pris place en Sardaigne, un officier, ancien chercheur, venait passer quelques-unes de ses heures libres au laboratoire de Cagliari « pour garder la main ». C’est grâce à cet intermédiaire que des prélèvements sont parvenus au Pr Howard Florey, à Oxford.
Mais il a fallu encore 12 ans pour que l’équipe du Pr Edward P. Abraham produise pour la première fois de la céphalosporine C, le premier représentant d’une nouvelle famille d’antibiotiques. A ce jour, trois générations de céphalosporines ont été synthétisées et restent très utilisées en infectiologie.
Lire tous les articles « Médicaments et sérendipité »
Références
Bo G. Giuseppe Brotzu and the discovery of cephalosporins. Clin Microbiol Infect. 2000;6 Suppl 3:6-9. Abraham E, Newton G, Crawford K et coll.
Cephalosporin N: a new type of penicillin. Nature. 1953 Feb 21;171(4347):343.
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?