« L'usage répandu des décoctions d'Artemisia annua pourrait favoriser le développement et la diffusion des souches résistantes de Plasmodium résistantes à l'artémisinine » ! L'Organisation mondiale de la santé (OMS), tire la sonnette d'alarme dans une prise de position, consacrée à la prise de formes non pharmaceutiques d'artémisinine (c’est-à-dire les infusions, thés et décoctions directement faites à partir des feuilles séchées de la plante), publiée la semaine dernière à la suite d'une revue de la littérature.
Connue sous le nom d'armoise annuelle ou d'absinthe chinoise, l'Artemisia annua est la plante contenant l'artémisinine dont les dérivés sont indiqués dans le traitement du paludisme. Ces derniers sont utilisés par l'industrie pharmaceutique pour pour produire les CTA (Artemisinin-based Combination Therapy) telle que que l'artéméther ou l'artésunate. La découverte de l'artémisinine avait valu à la Chinoise, Dr Tu Youyou, le Prix Nobel de physiologie ou médecine, conjointement avec l'Irlandais William Campbell et le Japonais Satoshi Ōmura, découvreurs de l'ivermectine.
Les CTA, uniquement en combinaison
Depuis 2007, et face à l'augmentation des résistances, l'OMS ne recommande plus les monothérapies de CTA, mais demande la prise de thérapie combinée incluant au moins un CTA. « Le contenu des décoctions produites à partir d'Artémisia est souvent insuffisant pour parvenir à éliminer le parasite du paludisme et éviter les rechutes », précise l'OMS dans son avis. Pour être efficace, un traitement à base d'artémisinine, le principe actif contenu dans la plante et le médicament éponyme, doit être administré pendant 7 jours, avec des doses plus importantes à la fin du traitement qu'au début. En effet, les propriétés pharmacologiques de l'artémisinine font que cette posologie particulière doit être respectée pour s'assurer que les niveaux sanguins restent les mêmes tout au long du traitement.
Or, de telles conditions ne sauraient être remplies avec des décoctions d'Artemisia annua, surtout si cette dernière n'est pas cultivée à une échelle industrielle. L'OMS rappelle que la composition de ces dernières varie grandement selon les lieux, les récoltes, les procédés de fabrication et les conditions de culture. La qualité et le contenu des infusions d'Artémisia sont en outre très dépendants des dosages, de la température de l'eau et de la durée d'infusion. Lors de ses travaux dans les années 70, le Pr Tu Youyou avait d'ailleurs constaté la disparition de l'activité antipaludéenne des extraits d'Artémia à haute température, ce qui l'avait conduit à mettre au point un procédé d'extraction à basse température.
L'OMS n'est pas la première organisation à s'émouvoir de la popularité grandissante de l'artémia. En février dernier, l'Académie de médecine s'était également inquiétée de la promotion qui était faite de l'utilisation des feuilles séchées d'Artémisia dans le traitement du paludisme.
Les académiciens avaient alors dénoncé une campagne de promotion « Éliminons le paludisme à l’aide de feuilles d’Artémisia », menée par l'association française La maison de l’Artémisia. Cette campagne incitait à traiter les malades avec des tisanes ou des capsules de feuilles séchées de la plante. En 2015 et 2017, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de Santé (ANSM) la mise sur le marché de produits à base d’Artémisia, « susceptibles de présenter un danger pour la santé humaine ».
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