Encore 216 000 nouveaux cas de lèpre ont été diagnostiqués dans le Monde en 2014 (derniers chiffres de l’OMS) dont près de 14 000 avec un handicap visible déjà… 10 % de ces nouvelles contaminations touchent des enfants. « La maladie reste donc un sujet brûlant de recherche », constate le Pr Vincent Jarlier, directeur de l’unité de recherche épidémiologique, expérimentale et moléculaire sur la résistance aux antibiotiques (Pitié-Salpêtrière).
Le bacille de la lèpre, un cousin éloigné de celui de la tuberculose, refuse de se développer in vitro (son temps de multiplication est de 14 jours !) et les hypothèses testées sur des « tubes à essai » vivants, chez l’animal (la souris ou le tatou), puis l’Homme. Le séquençage complet du génome permet aujourd’hui de caractériser les différents bacilles de la lèpre et d’identifier les mécanismes de résistance aux antibacillaires. Un maillage de laboratoires, aux Indes et au Brésil notamment où la prévalence est la plus forte permet de surveiller l’apparition des résistances partout dans le Monde.
Résistances aux antibiotiques
« Les nouveaux cas de lèpre, signale le Pr Jarlier, sont causés à des bacilles presque toujours sensibles au traitement standard recommandé par l’OMS depuis 1982 (une association de trois antibiotiques : dapsone,rifampicine et clofazimine pendant 12 mois en moyenne). » Un bémol toutefois, ces antibiotiques sont peu nombreux, et l’un d’entre eux est aussi un traitement anti-tuberculeux, un autre largement utilisé pour des infections urinaires… « L’objectif est donc de trouver des médicaments indépendants de la pression de sélection, qui ne serviraient qu’à la lèpre, espère l’infectiologue, pour, un jour, raccourcir la durée de traitement ou le donner de façon intermittente. »
De l’animal à l’homme
Mais pourquoi, alors que le plus gros des malades est soigné, le nombre de nouveaux cas ne diminue-t-il pas ? La question intrigue les chercheurs. « Peut-être parce qu’un patient atteint de lèpre est contagieux bien avant les premiers signes cliniques », suggère le Pr Stewart Cole, président de la commission médicale et scientifique de la Fondation et directeur de l’institut de recherche en infectiologie à l’École Polytechnique de Lausanne. Ou parce que la lèpre ne se transmet peut-être pas seulement d’homme à homme comme on l’a longtemps pensé mais qu’il existe des réservoirs animaux de bacilles et qu’elle se transmet de l’homme à l’animal. La démonstration a été faite par l’équipe du Pr Cole, que la lèpre était une zoonose grâce au séquençage génomique. Des réservoirs quasi-identiques ont été identifiés, comme le tatou aux États-Unis, le rat des champs au Mexique ou l’écureuil roux d’Ecosse… un autre rongeur, à sang-froid lui aussi, l’agouti, est soupçonné de transmettre le bacille en Afrique. « Cette hypothèse est à l’étude actuellement au Bénin, un des pays d’Afrique où se développent des programmes de dépistage, avant le handicap, sur les signes cliniques et les contacts d’un sujet "multibacillaire", la durée d’incubation étant de 5 à 10 ans », décrit le Dr Christian Johnson, coordinateur des programmes médicaux de lutte contre la lèpre sur le terrain. Là, se posent des problèmes de sécurité, d’accessibilité aux soins, géographiques, économiques et culturels… La proportion d’enfants atteints y renseigne sur l’activité de la contamination.
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?