Simone, 64 ans, consulte car, depuis quelques mois, elle présente une rhinorrhée unilatérale (du côté gauche) persistante malgré le recours à différents traitements antihistaminiques et corticoïdes (par voies nasale et orale).
Son médecin traitant, en désespoir de cause, lui a administré un traitement antibiotique du fait d’une immunodépression chez cette patiente (greffe rénale trois ans auparavant). Malheureusement, cette antibiothérapie n’a eu aucune efficacité.
Cliniquement, nous retrouvons une douleur lors de la palpation du sinus maxillaire gauche. En parallèle, nous objectivons un écoulement clair au niveau de la narine gauche.
Compte tenu des différents traitements préalablement administrés, et qui se sont révélés inefficaces, nous prescrivons un scanner des sinus.
Cet examen a permis de retrouver un comblement de la cavité sinusienne gauche, mais aussi un élément ayant une tonalité calcique au niveau de cette zone (cliché 1, flèche verte). Cet aspect est en faveur d’une sinusite aspergillaire.
DÉFINITION
La sinusite aspergillaire ou aspergillose nasosinusienne est une infection chronique de la cavité sinusienne. À l’origine de cette pathologie : un champignon du genre Aspergillus (dans 90 % des sinusites aspergillaires, il s’agit d’Aspergillus fumigatus) dont les spores de petite taille (entre 2 et 3 µm de diamètre) sont inhalées, mais détruites par le système immunitaire.
Lors de soins dentaires, le passage de pâte dentaire avec de l’oxyde de zinc au niveau de la cavité sinusienne est un facteur favorisant l’aspergillose. L’oxyde de zinc semble intervenir en inhibant la fonction épithéliale mucociliaire (rôle de nettoyage des muqueuses), et cet agent favoriserait une forte teneur en phosphate et en sulfate de calcium, responsables de concrétions calcaires.
La prise en charge chirurgicale (lire plus loin) doit être rapide du fait d’une extension possible, et d’une invasion des tissus sous-jacents.
SYMPTOMATOLOGIE
Deux formes sont classiquement décrites :
- Une forme non invasive qui est à l’origine d’un aspect de balles fongiques ou de truffes aspergillaires au niveau du sinus.
- Une forme invasive chronique (souvent non douloureuse). Dans ce cas, l’agent fongique peut se développer au sein de certains tissus de proximité (os frontal ou zygomatique, artère ethmoïdale antérieure, muqueuse…), et peut être à l’origine d’une lyse osseuse qui, dans certains cas, est considérée à tort comme une extension néoplasique.
Le plus souvent, le patient consulte du fait d’une obstruction nasale, d’une rhinorrhée qui peut être fétide. Le professionnel de santé objective une douleur à la palpation sinusienne (dans la très grande majorité des cas, cette pathologie ne concerne qu’un seul sinus, et qui est presque exclusivement le sinus maxillaire).
Il est fréquent de mettre en évidence des polypes de la cavité nasale concernée par cette aspergillose, cela sans qu’on sache de manière précise le rapport.
Il est possible, en cas de forme invasive, de mettre en évidence une ethmoïdite aiguë, avec parfois un abcès qui peut donner des complications endocrâniennes.
IMAGERIE ET EXAMENS COMPLÉMENTAIRES
Il est nécessaire de recourir à l’imagerie, souvent caractéristique, de cette affection pour établir le diagnostic.
→ Le scanner des sinus objective des calcifications au niveau de la cavité sinusienne qui sont évocatrices d’une aspergillose. Le comblement est souvent hyperdense, et un épaississement muqueux est souvent associé. En cas de forme invasive on met en évidence une lyse osseuse.
→ L’IRM des sinus met en évidence un comblement sinusien hétérogène avec un rehaussement de la muqueuse qui est inflammatoire. En cas de forme invasive, on peut mettre en évidence une prise de contraste méningée après injection de produit de contraste.
→ La culture du produit de collecte sinusien permet de poser avec certitude le diagnostic d’aspergillose.
PRISE EN CHARGE
Elle repose avant tout sur le traitement chirurgical par voie endoscopique (le traitement chirurgical par méatotomie inférieure ou intervention de Caldwell est une alternative mais elle expose le patient à de nombreuses complications) avec extirpation de la truffe aspergillaire, et en parallèle un drainage de la cavité sinusienne.
Si les sinus sphénoïdaux sont contaminés par cet agent fongique, ou si le patient présente un déficit immunitaire, il est important d’effectuer un traitement antifongique comme l’amphotéricine B.
BIBLIOGRAPHIE
1. Siddiqui A A, Bashir S H, Ali Shah A, Sajjad Z et al. Diagnostic MR imaging features of craniocerebral Aspergellosis of sino-nasal origin in immunocompetent patients. Acta Neurochirurgica 2006; 148: 155-166.
2. Derdabi S, Naha L, Iken M, et al. Cas clinique: Sinusite aspergillaire d’origine dentaire dans sa forme pseudo-tumorale. Journal de Mycologie 2015 ; 25 (3) : 240. Montone KT. Pathology of Fungal Rhinosinusitis: A Review. Head Neck Pathology. 2016 ; 10 (1) :40-46.
3. Montone KT. Pathology of Fungal Rhinosinusitis: A Review. Head Neck Pathology. 2016 ; 10 (1) :40-46.
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?