Chaleur et humidité
Trois dermatophytes sont à l’origine du pied d’athlète : Trichophyton Rubrum, Trichophyton Mentagrophytes et Epidermophyton Floccosum. Ce sont des champignons filamenteux qui possèdent une forte affinité pour la kératine. « Le dermatophyte pénètre dans la couche cornée grâce à ses enzymes, puis il s’y développe sous forme de filaments mycéliens », explique le Dr Feuilhade. Une peau humide ou traumatisée facilitera l’entrée du champignon, la couche cornée ne jouant plus son rôle de barrière. L’infection se contracte donc dans tous les lieux chauds et humides où les personnes marchent pieds nus.
Atteinte unilatérale
La dermatophytose du pied débute typiquement par une atteinte des troisièmes et quatrièmes espaces interorteils (espaces les plus fermés physiologiquement). Puis à partir de ces espaces et via la couche cornée, l’infection va pouvoir s’étendre à la plante, aux bords, au-dessus du pied et parfois aux ongles. Les lésions sont de type érythémato-squameuses ou vésiculo-bulleuses ; elles peuvent être fissurées, se révèlent parfois très prurigineuses, mais ne sont jamais malodorantes. Souvent un seul pied est atteint, ou plus atteint que l’autre. « Cette une latéralité de l’atteinte est fortement évocatrice de dermatophytose », souligne le Dr Feuilhade.
Auto contamination
Les autos contaminations sont relativement fréquentes, surtout lorsque le sujet se gratte, les lésions pouvant ainsi s’étendre à d’autres parties du corps comme les plis inguinaux ou les mains. Au niveau des mains et comme pour le pied, l’atteinte est le plus souvent unilatérale. On observe des lésions squameuses au niveau d’une paume, ou érythémato-squameuses sur le dos d’une main.
Un intertrigo sur deux n’est pas un champignon
« Les lésions interorteils sont presque toujours attribuées aux dermatophytes, et pourtant une fois sur deux le germe en cause n’est pas un champignon mais une bactérie », remarque le Dr Feuilhade. Chez les sportifs, l’érythrasma est le diagnostic différentiel le plus fréquent. Il s’agit d’un intertrigo des troisièmes et quatrièmes espaces du aux corynébactéries (bactéries Gram + appartenant à la propre flore commensale du patient, et dont la survenue est liée aux mêmes facteurs que pour le pied d’athlète. Ici les lésions sont blanches, macérées et apparaissent fluorescentes (rose corail) en lumière de Wood. Elles sont souvent malodorantes, mais non prurigineuses. D’autres intertrigos s’observent plus rarement comme les intertrigos à bacille pyocyanique. Ces intertrigos sont très érosifs ; de couleur souvent verdâtre, leur odeur de pomme verte est caractéristique. Ils sont eux aussi favorisés par l’humidité. Existent enfin des intertrigos à Scytalidium sp (moisissures phytopathogènes), essentiellement chez des patients venant de zones tropicales ou subtropicales. L’aspect squameux ou blanc couenneux des lésions se distingue parfois difficilement d’une dermatophytose.
Diagnostic différentiel
Au niveau des plantes des pieds, l’un des principaux diagnostics différentiels est la kératolyse ponctuée. Cette affection donne un aspect blanc et macéré des points d’appui avec une bordure découpée à l’emporte pièce. Ici l’odeur désagréable est caractéristique ; il n’existe pas de prurit. Le germe en cause est là encore une corynébactérie, mais cette infection n’est pas transmissible. Elle se développe à partir des propres corynébactéries d’un patient qui se sèche mal les pieds. L’humidité et la transpiration excessive sont une nouvelle fois des facteurs favorisants.
Toujours traiter
« On peut observer des fluctuations cliniques, mais de façon générale le pied d’athlète ne guérit jamais spontanément. » D’où l’importance de traiter dès les premiers symptômes. « Le traitement est indispensable pour deux raisons », insiste le Dr Feuilhade. « Sur le plan individuel, il évitera que ne surviennent des complications plus graves, et d’un point de vue collectif, il permettra de prévenir le phénomène de contagion. »
Les complications habituelles sont les surinfections bactériennes locales surtout dans les formes vésico-bulleuses. Mais des complications plus redoutables sont à craindre comme l’érysipèle (les lésions cutanées provoquées par le dermatophyte constituant des portes d’entrées pour les bactéries), en particulier chez les patients artéritiques ou diabétiques pour lesquels l’infection évolue même parfois jusqu’à la gangrène. Le risque d’érysipèle est deux fois plus fréquent chez les sujets atteints de pied d’athlète que chez les sujets sains.
Lorsque l’infection se limite aux orteils, un traitement local suffit : les dérivés imidazolés et la ciclopiroxolamine ont l’avantage d’être actifs à la fois sur les dermatophytes et les bactéries. Ces traitements nécessitent deux applications quotidiennes pendant au moins un mois. La terbinafine est également indiquée, à raison d’une application par jour pendant une semaine ; elle existe également sous forme monodose, efficace en une application unique. Mais attention, car la terbinafine est très active sur les dermatophytes mais pas sur les corynébactéries. Il faut donc poser le diagnostic de dermatophytose avec certitude.
En cas d’extension des lésions aux plantes des pieds, aux mains ou aux ongles, le recours au traitement par voix générale s’impose le plus souvent car les traitements locaux ne suffisent pas. La terbinafine peut être prescrite à raison d’un comprimé par jour pendant quatorze jours. La prescription d’une corticothérapie associée n’est jamais indiquée : non seulement elle entretient la mycose, mais elle majore en plus le risque infectieux.
Prévenir les récidives par recontamination
Les rechutes sont rares si le traitement est bien conduit, précise le Dr Martine Feuilhade, par contre le risque pour un même patient de se recontaminer est toujours possible. Il faudra donc l’informer des différentes mesures de prévention :
- ne pas marcher pieds nus dans les endroits publics humides,
- bien sécher ses pieds entre les orteils en utilisant une serviette de toilette personnelle sèche, voire du papier absorbant ou même le sèche-cheveux,
- désinfecter les chaussures que l’on a mises pieds nus, les chaussons, les tapis de bains à l’aide de produits antifongiques (poudre, spray, lotion) disponibles en pharmacie.
Enfin, systématiquement vérifier que d’autres membres de la famille ne sont pas atteints et les traiter le cas échéant afin d’éviter les recontaminations liées au partage du même tapis de bain.
D’après un entretien avec le Docteur Martine Feuilhade ( Maître de conférences et praticien hospitalier responsable du laboratoire de mycologie de l’hôpital Saint-Louis ).
Dr Martine Feuilhade : pas de conflits d’intérêt déclarés.
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