Protozoaire sanguicole
Infection parasitaire causée par un protozoaire sanguicole, Trypanosoma cruzi, la maladie de Chagas dans les pays « non endémiques » (pays situés en dehors de l’Amérique latine, dans lesquels le vecteur est présent) est devenue une priorité pour l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). De très nombreuses personnes immigrées d’Amérique latine vivent aux États-Unis, au Canada, en Europe, au Japon ou encore en Australie en ignorant qu’ils hébergent le parasite responsable de cette maladie.
Phase aiguë
La phase aiguë de la maladie passe souvent inaperçue ou se résume à une symptomatologie peu spécifique (fièvre, adénopathie, hépato-splénomégalie, exanthèmes de tous types, œdèmes). Cependant, 2 à 5 % des enfants de moins de deux ans qui en sont atteints meurent dans les premières semaines de myocardite aiguë ou de méningo-encéphalite. On observe parfois, lorsque le trypanosome atteint les muqueuses de l’œil, un œdème caractéristique, unilatéral, bipalpébral, violacé, avec adénopathies satellites (signe de Romana), ou encore, lorsque la pénétration s’est faite au travers de la peau ou du cuir chevelu, des chagomes de type pseudo-furonculeux, érysipéloïde, lupoïde, achromique. Généralement, sauf complications majeures, tous les symptômes régressent en deux mois environ.
Phase indéterminée
La phase indéterminée qui lui succède est une véritable épée de Damoclès suspendue sur la tête du patient. Elle peut durer quelques mois, quelques années, mais aussi plusieurs décennies ou encore toute la vie. L’évolution (que rien ne permet de prédire) est caractérisée par l’absence totale de symptomatologie clinique et paraclinique, mais également par la possibilité (dans 30 % des cas) de voir apparaître un ou plusieurs signes témoignant de l’installation à bas bruit de complications tardives redoutables : cardiaques (myocardite chagasique chronique ou MCC), digestives, et plus rarement neurologiques (chez les immunodéprimés). L’existence de cette phase indéterminée, au cours de laquelle l’homme ignore sa maladie, est capitale. C’est, en effet, pendant celle-ci que le sujet infecté joue vis-à-vis de ses proches le rôle de réservoir pour les vecteurs et peut également transmettre le parasite par transfusion sanguine, dons d’organe ou par voie congénitale.
Passée la phase aiguë, où elle est possible par simple examen direct, la mise en évidence du parasite dans le sang est très difficile, quels que soient les moyens mis en œuvre : concentration, culture sur milieu de LIT ou BHI, xénodiagnostic ou amplification génomique. La fiabilité des examens sérologiques est fonction de la qualité des antigènes et des techniques utilisées.
Deux médicaments
Les deux seuls médicaments actuellement disponibles (benznidazole et nifurtimox ) ont des effets secondaires qui peuvent nécessiter l’arrêt du traitement et sont surtout efficaces pendant la phase aiguë de la maladie. Plusieurs études relativement récentes, ont montré qu’il était également possible d’obtenir 8 à 25 % de guérison chez des adultes (critères encore à uniformiser) avec ces deux médicaments en phase indéterminée (leur efficacité y semble d’autant plus grande que l’infection est récente) et même chronique . Chez des enfants de moins de 12 ans, chez lesquels les effets secondaires sont moindres, il a été possible d’obtenir 60 % de guérison dans deux essais récents. Néanmoins, des confirmations de ces résultats restent nécessaires.
Éliminer les vecteurs
Le principal moyen de lutte contre la maladie de Chagas consiste à éliminer, grâce aux insecticides chimiques, les vecteurs vivant dans les habitations ou à proximité immédiate de celles-ci. Grâce à une véritable volonté politique de tous les pays latino-américains, les résultats obtenus au cours de ces dernières décennies ont été spectaculaires. Ils ne pourront toutefois être considérés comme définitifs qu’après une longue phase de vigilance, l’augmentation du niveau de vie des ruraux, l’amélioration de leur habitat, la mobilisation et la mise en garde permanente des populations en zone d’endémie. Dans les années 1980, on estimait entre 16 et 18 millions le nombre de personnes infectées par le parasite. Les efforts conduits sous l’égide de l’Organisation panaméricaine de la santé et de l’OMS au cours des trente dernières années dans les pays endémiques, essentiellement la pulvérisation intra et péridomiciliaire d’insecticide, ont divisé par 10 l’incidence annuelle des nouveaux cas, qui est passée de 500 000 à 50 000. Entre 8 et 11 millions de personnes en Amérique latine seraient toujours porteuses de la maladie et on estime que chaque année environ 14 000 personnes décèdent de complications de la maladie de Chagas.
La France concernée
Il existe une grande hétérogénéité des taux de séroprévalence de la maladie de Chagas entre les différents pays et au sein des pays. Plus récemment, les mouvements migratoires ont modifié l’épidémiologie et désormais les États-Unis, le Canada, l’Europe (principalement l’Espagne), le Japon et l’Australie ont été touchés. La France est concernée par cette maladie tropicale à double titre : l’émergence de l’infection a été confirmée au cours des dernières années (145 cas diagnostiqués entre 2005 et 2008) et des personnes potentiellement infectées par le parasite T. cruzi résident en métropole (personnes séjournant ou ayant séjourné dans une zone de circulation du parasite, personnes nées d’une mère à risque, personnes ayant reçu du sang des dérivés sanguins ou une greffe provenant d’un donneur à risque). De ce fait, des mesures de contrôle ont été établies. En 2005, le prélèvement des dons de sang a été suspendu en Guyane française. À partir de 2006, et dans l’attente de tests de dépistage fiables, le prélèvement de sang chez des personnes appartenant à un groupe à risque a été suspendu sur le territoire français. Depuis 2007, tous les dons de sang provenant de personnes à risque sont testés et les donneurs contaminés exclus définitivement du don. En 2009, l’AFSSAPS a étendu le dépistage de la maladie de Chagas à tous les prélèvements de tissus ou d’organe provenant de personnes appartenant aux groupes à risque ; compte tenu de la rareté de certains organes, l’Afssaps a proposé de moduler l’exclusion d’un tissu ou d’un organe provenant d’une personne infectée selon la valeur du bénéfice/risque à réaliser dans chaque situation requérant une greffe.
D’après les communications de J.-F. Pays (SPE), D. Dexour-Salamanca (InVS) et A. Assal (EFS) lors d’un atelier de consensus sur la maladie de Chagas en zone non endémique organisé par la Société de pathologie exotique (SPE).
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