En décembre 2013, les premiers cas d’infections par le virus du chikungunya ont été diagnostiqués en Amérique du Sud et dans les Caraïbes. Les virus identifiés s’apparentaient à ceux de la lignée asiatique ECSA, mais un détail chiffonnait les infectiologues : les virus des Caraïbes semblaient se propager plus rapidement que leurs cousins asiatiques.
Pour comprendre, les chercheurs de l’unité mixte de recherche sur les populations virales et la pathogénèse de l’Institut Pasteur dirigé par Marco Vignuzzi ont procédé à des prélèvements en Martinique et en Guadeloupe au début de l’épidémie, dans les premiers mois de 2014, puis les ont séquencés. « Dans un premier temps, nous avons trouvé une importante variabilité génétique au niveau des gènes codant pour des protéines structurales, nous explique Marco Vignuzzi mais rien qui n’explique réellement la diffusion plus rapide du virus. »
Toutefois les chercheurs remarquent autre chose : une duplication d’une séquence non codante du génome qui avait failli passer inaperçue. « Cette duplication était présente dans tous les variants que nous avons collectés, y compris dans celui du tout premier cas de Saint Martin, poursuit Marco Vignuzzi. Nos collègues américains nous ont confirmé par la suite sa présence dans la dizaine de prélèvements réalisés en République Dominicaine et en Amérique du Nord. » À l’occasion d’expérience in vitro, les scientifiques de Pasteur ont noté que, si les virus circulant en Guadeloupe et en Martinique ne prolifèrent pas plus que la lignée ECSA dans des cultures cellulaires humaines, ils se développent en revanche bien mieux dans les cellules de moustiques Aedes. « La duplication que nous avons identifiée favorise peut-être la prolifération du chikungunya dans le moustique, ce qui expliquerait comment il a étendu aussi vite sa répartition géographique dans les Caraïbes », précise Marco Vignuzzi.
Théorie crédible, mais à confirmer
L’explication avancée reste à confirmer. Tout d’abord, les chercheuurs devront vérifier que la plus grande réplication observée in vitro se vérifie in vivo. Ensuite, ils devront s’assurer que cette duplication est bien une spécificité des souches circulant dans les Caraïbes et en Amérique du Sud. « Il s’agit d’une duplication parfaite, donc très difficile à repérer, explique Marco Vignuzzi, il est donc possible que l’on soit passé à côté dans certaines souches asiatiques. »
Lorsqu’un virus envahit un nouveau territoire, comme ce fut le cas fin 2013 avec le Chikungunya dans les Caraïbes, il traverse une première période propice à l’apparition de nouveaux variants. Dans un second temps, la compétition entre les variants oblige la population à se stabiliser autour de la lignée la plus adaptée. Pour les chercheurs, il s’agit d’un moment crucial au cours duquel des pathogènes plus infectieux peuvent s’imposer. Selon Marco Vignuzzi, « on peut supposer que le même mécanisme est à l’œuvre avec le virus zika. Des équipes essayent d’identifier si les lignées présentes dans les Caraïbes sont différentes de celles du Pacifique ».
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