Au cœur de nombreuses polémiques, l'Institut hospitalo-universitaire IHU Méditerranée Infection de Marseille s'apprête à tourner la page Didier Raoult, avec la nomination du Pr Pierre-Edouard Fournier, grand spécialiste des maladies infectieuses. Le nouveau directeur de l'IHU prendra ses fonctions le 1er septembre.
C'est sous la direction du Pr Raoult que le Pr Fournier a soutenu sa thèse sur les rickettsioses en 1999, ces bactéries intracellulaires à l'origine notamment du typhus. Au sein de l'IHU, il fait partie de l’équipe Vitrome (Vecteurs – infections tropicales et méditerranéennes) qui surveille les maladies infectieuses au niveau local mais aussi des voyageurs et est également responsable des plateformes de séquençage et de la biobanque de l'IHU. Dès le début de la crise du Covid, le Pr Fournier avait pris la tête du puissant laboratoire de tests PCR de l'IHU, l'un des premiers à avoir réussi à dépister à grande échelle.
Malgré les nombreuses réserves, exprimées notamment par des syndicats qui doutaient de la capacité de cette candidature interne à impulser un réel changement, les administrateurs ont validé le choix d'une commission spécialement mise en place pour cette succession et présidée par l'ancien patron de Renault, Louis Schweitzer. Les trois représentants de l'État se sont abstenus, a appris l'AFP auprès d'un membre du conseil d'administration (CA) souhaitant rester anonyme.
Des réserves en termes de probité scientifique et médicale
« Le passé, c’est le passé, maintenant l'IHU regarde vers l’avenir », a plaidé la première adjointe de la mairie de Marseille, Michèle Rubirola. Quant à l'Université Aix-Marseille, un des six membres fondateurs de l'IHU et membre du CA, son comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) a annoncé réprouver ce choix qui ne signifie pas pour lui « de rupture dans le mode de gouvernance » et ne garantit pas « un avenir serein en termes de probité scientifique et médicale ». « On reste vigilant et les visites du CHSCT vont continuer », a réagi son président Éric Berton, interrogé par l'AFP.
« Il y a un outil exceptionnel fabriqué par un homme hors norme. L'IHU doit retrouver sa crédibilité scientifique et internationale », a analysé de son côté un autre membre du CA, le président de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, Renaud Muselier, auprès de l'AFP.
Le Pr Fournier réussira-t-il à balayer ces réserves ? Les défis sont importants, notamment pour réussir à imposer son autorité après Didier Raoult. Celui-ci ne sera en tout cas « plus dans les murs », a insisté Louis Schweitzer, assurant que l'ancien directeur n'était « à aucun moment intervenu » dans le choix de son successeur. Louis Schweitzer a aussi assuré que cette nomination n'était « pas le choix de la continuité, mais le choix d'un changement d'orientation rapide ».
Répondre aux accusations en cours
Créé par le Pr Raoult en 2011, l'IHU est secoué depuis plus de deux ans par des polémiques incessantes, notamment autour de la figure hyper-médiatique de son directeur, accusé de « charlatanisme » par certains de ses pairs pour avoir fait la promotion, sans validation scientifique, d'un traitement du Covid à l'hydroxychloroquine.
L'IHU devra aussi tirer les conséquences de deux rapports de l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) et de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas). L'ANSM a notamment relevé « de graves manquements à la réglementation des recherches impliquant la personne humaine ». L'Igas a elle dénoncé « une logique de soumission » mise en place par le Pr Raoult.
Selon Louis Schweitzer, le Pr Fournier s'est engagé à « la mise en application des recommandations des inspections en cours », avec notamment « la fin de la course à la quantité d'études publiées ». Ce sera aussi la fin a priori de la communication via YouTube, où les vidéos de Didier Raoult ont été vues des millions de fois.
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