« Le réchauffement climatique a des conséquences directes dans la diffusion de certaines maladies vectorielles, constate le Pr Dominique Chabasse, professeur émérite en parasitologie et médecine tropicale (CHU d’Angers). On l’observe avec la fièvre de la vallée du Nil, le choléra, la dengue, mais aussi avec l’augmentation du risque d’épidémie, par les déplacements de population dus à la hausse du niveau des mers et par la prolifération des insectes vecteurs de transmission, tels l’anophèle, vecteur du paludisme, dont le développement est nettement accéléré à 30°, l’Aedes aegypti, vecteur de la fièvre jaune, de la dengue et du virus du Nil occidental, ou l’Aedes albopictus, le fameux moustique tigre qui propage la fièvre de la vallée du Rift, du virus du Nil occidental, du Zika et du chikungunya. Avec le réchauffement des températures, le moustique tigre est maintenant présent dans presque toute la France. Il y a aussi le culex, qui transmet le virus de l’ouest du Nil et la fièvre de la vallée du Rif, qui a touché d’abord les chevaux en Camargue et maintenant s’en prend à l’homme. Globalement toutes les tiques et les moustiques voient s’étendre leur aire de répartition, leur densité, leur longévité et donc leur capacité à véhiculer les virus. »
Millions de microbes potentiellement dangereux
« Si le réchauffement permet l’installation de moustiques dans certaines zones qui en étaient jusque-là dépourvues, beaucoup d’insectes ont un rayon de dispersion de seulement quelques centaines de mètres ou quelques kilomètres et ce sont nos moyens de déplacement modernes qui, tout en aggravant le réchauffement, les transportent aujourd’hui en dehors de leur zone », remarque Jean-François Guégan, directeur de recherche à l’IRD (Institut de recherche pour le développement et à l’Inrae (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement).
Circonstance aggravante aux yeux de cet expert à qui l’on doit le concept d’écologie de la santé : « l’accroissement de la population pour laquelle il faut trouver de nouvelles terres, expose à de nombreux germes microbiens qui sont présents dans les forêts tropicales, et qui s’en échappent lorsqu’on les coupe. On réveille ainsi des millions de microbes potentiellement dangereux pour l’homme et que l’on ne connaît pas. »
Giec de la santé planétaire
« Nous sommes donc en présence de phénomènes multifactoriels aux mécanismes d’effets en chaîne très complexes, souligne le spécialiste. Or, si la communauté médicale et scientifique est alertée par rapport au paludisme, au chikungunya et à Zika, avec de plus en plus d’articles publiés avec le mot-clé dérèglement climatique, l’écologie de la santé pâtit encore d’un déficit d’études épidémiologiques à grande échelle. Elle reste le nez dans le guidon avec des déterminants explicatifs à petite échelle. De ce fait, la prise de conscience de ce qui va nous arriver en parasitologie est insuffisante, la nécessité d’un changement profond et radical pour prévenir les risques infectieux n’est toujours pas travaillée dans toutes ses dimensions et dans son urgence. » C’est dans cet esprit que les membres du groupe d’experts One Health en appellent à un Giec de la santé planétaire.
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