LE QUOTIDIEN : Le rapport de l'ONUSIDA montre des progrès importants, mais vous restez prudent. Pourquoi ?
MICHEL SIDIBÉ : Il est important d'insister sur le fait que nous avons fait des progrès majeurs ces dernières années. Malheureusement ces progrès contribuent à ce que j'appelle une « conspiration de la complaisance », qui se traduit par une baisse des investissements de 8 %. Nous avons un déficit de 20 % sur les financements, comparé à ce qui est nécessaire pour lutter contre l'épidémie. Nous ne sommes pas dans un rythme qui nous permettra de briser la colonne vertébrale de l'épidémie.
Nous ne pouvons pas nous permettre une baisse des ressources externes : nous avons calculé qu'une réduction de 20 % des aides des pays développés obligerait des pays comme le Mozambique à doubler son budget de la santé pour répondre aux besoins de traitement et de soins liés au VIH. Compte tenu de l'augmentation du nombre de malades, il ne sera pas possible de garantir l'accès aux traitements pour le plus grand nombre en l'absence de nouveaux financements substantiels.
Vous dénoncez un financement insuffisant, quels sont les contributeurs qui manquent à l'appel ?
Ce sont les pays développés. Le Sida est la seule maladie pour laquelle plus de 50 % des financements proviennent des ressources domestiques, c’est-à-dire des pays à ressources faibles ou intermédiaires. Il existe aussi une inégalité dans la destination de ces fonds. Compte tenu de la dynamique importante de l'épidémie dans ces régions, le financement mis à la disposition des pays d'Afrique de l'Est et d'Afrique Australe était de 10 milliards en 2017 contre seulement 2 milliards en Afrique de l'Ouest et du centre.
Le rapport insiste également sur un manque de prévention des populations vulnérables…
Les services de prévention n'arrivent pas à atteindre les populations les plus vulnérables comme les jeunes filles et les femmes qui ne vont pas à l'école, se marient très tôt et ont des grossesses précoces. On constate que les populations gays, les travailleuses du sexe, les prisonniers et les migrants représentent 37 % des nouvelles infections et sont stigmatisés par des mauvaises lois qui les excluent. C'est un problème très sérieux. Surtout en Europe de l'Est et en Asie Centrale ou il n'y a pas de réduction de la mortalité depuis 2010.
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