En tant qu’ancien ministre de la Santé, quel regard portez-vous sur le projet de loi HPST, fortement décrié par des professionnels de santé ? Pensez-vous que le gouvernement a suffisamment associé les médecins à cette réforme ?
J’habite New York et je ne suis pas l’actualité au jour le jour. Je me garderai bien de donner des conseils au gouvernement. Mais si vous me permettez une remarque sur les enjeux, il me semble essentiel de préserver les systèmes conventionnels. J’ai été ministre aux côtés de Simone Veil (1993-1995) et ensuite ministre des Affaires sociales (2004-2005). J’ai gardé de cette période une certitude : si nous avons une des meilleures médecines du monde, c’est parce que nous avons des règles que nous n’avons jamais enfreintes. Ni les syndicats des professions de santé, ni les gouvernements. Si les agences régionales de santé (ARS) sont faites pour coordonner les politiques de santé, je dis bravo. Si elles sont faites pour passer d’un système conventionnel national à un système de contrat individuel, je dis attention !
Le deuxième enseignement que je retire de ces années avenue de Ségur, c’est qu’on ne peut rien faire en matière de santé sans les professionnels et donc sans le système conventionnel. C’est impossible et on s’en rend compte tôt ou tard. Les professionnels de santé libéraux ne sont pas des fonctionnaires. On ne peut pas leur demander des obligations statutaires et réglementaires. La régulation médicalisée ne doit pas être changée.
Quand vous étiez ministre de la Santé, vous avez tout de même tenu à donner des objectifs aux médecins, dans le cadre de la maîtrise médicalisée des dépenses.
Je crois beaucoup à ce que nous avons fait. Lorsque nous avons décidé de mettre en place le dispositif du médecin traitant, j’ai passé des centaines d’heures à en parler avec les syndicats de médecins. Nous nous sommes rendu compte qu’il s’agirait d’un médecin généraliste. Dans plus de 95 % des cas et sans faire d’idéologie, nous sommes arrivés à ce résultat.
Pour autant, le déficit de l’Assurance-maladie ne cesse de se creuser. Cela ne marque-t-il pas l’échec de ce système et de la réforme que vous avez initiée en 2004 ?
Après la réforme de 2004, le déficit de la Sécurité sociale s’est fortement réduit, passant de près de 12 milliards d’euros de déficit à 4,5 milliards en 2008, alors qu’il aurait été de plus de 20 milliards sans réforme.
Certes, de nouvelles recettes ont été apportées depuis 2004, mais le rythme d’évolution des dépenses, notamment de soins de ville, s’est considérablement réduit. Grâce aux efforts conjugués des assurés, des caisses et des professionnels de santé, les dépenses de santé ont évolué comme le PIB, voire un peu moins que le PIB, sur la période 2005-2008. Si bien que, jusqu’en 2008, le déficit a continué à se réduire. En 2009, l’assurance-maladie n’est pas confrontée à une croissance trop forte de ses dépenses, qui augmentent d’un peu plus de 3 %, mais à un effondrement de ses recettes consécutif à la crise financière.
Du fait d’une croissance nulle de la masse salariale en 2009, le déficit pourrait de nouveau s’accroître et atteindre environ 7,5 milliards.
Vous ne pensez pas, le matin en vous rasant, à un poste dans le gouvernement à l’occasion d’un prochain remaniement ministériel ?
Ce n’est pas mon sujet aujourd’hui. Laissez-moi d’abord remplir la mission que je me suis fixée aux Nations unies. Vous avez vu le niveau d’ambition de cette mission aux Nations Unies. Je suis heureux d’y être.
Roselyne Bachelot a annoncé la relance du DMP et sa généralisation en 2010. En 2004, vous annonciez sa mise en place en 2007 et vous en attendiez 3,5 milliards d’euros d’économies par an. De fait, ne regrettez-vous pas la gestion de ce dossier ?
Absolument, c’est un de mes plus grands regrets. Je n’aurais pas dû suivre ce que nous avions décidé avec les syndicats de médecins, c’est-à-dire trouver un système à part ad hoc. Car, ensuite, nous n’avons pas donné les moyens à ce système de fonctionner. Une autre possibilité s’offrait à nous, faire mettre en place le DMP par l’Assurance-maladie. Mais les médecins avaient très peur que ce dossier ne devienne un instrument de contrôle. Peut-être que j’aurais dû tenir, oui. Je n’ai jamais accepté ce rapport croquignolesque de l’IGAS qui disait qu’il faudrait dix ans pour mettre en place un DMP. Nous sommes tout de même les premiers à avoir fait le PMSI (Programme de médicalisation des systèmes d'information). Ceci étant, c’est de ma faute. Nous aurions dû choisir un autre moyen de mise en place du DMP. C’est dommage, car c’est une très bonne idée.
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